Vivre-écrire (Extrait)
Rumeurs. Doutes et soupçons. Écrire ? interrogent-ils. Écrire ! ironisent-elles. Oui, écrire. J’ose écrire.
J’écris pour habiter ma vie, l’apprivoiser, l’ouvrir et l’ancrer. J’écris comme je respire, par urgente nécessité. Nique au néant : déni, défi. Je traque avec courage et rage l’instant plénier qui s’immobilisera, tel un miracle, le temps de prendre et de reprendre souffle.
J’écris pour jouer jeu d’humain, d’humaine, dans la conscience éveillée, attisée des désastres et des fêtes ; pour me rebeller, dénoncer, protester ; pour héler les outragés, prêter voix aux muets méprisés.
Palimpseste, grimoire, brûlot. En quête ardente et soutenue du mot juste.
Dans ce temps parcimonieusement compté, j’écris par tous les temps, les autans, livrée aux quatre éléments. Échevelée sous la pluie ou les doigts engourdis, la peau brûlée ou le front aux vitres. Assise au bord du jour ou noyée dans l’obscur, livrée aux ténèbres intimes puis rendue à l’allégresse qui surgit d’un printemps précoce, d’un parfum entêtant de lilas, de seringa, de glycine. Poreuse.
J’écris contre le chaos, l’informe et le confus ; signature dérisoire au bas du texte, du fragment tissé dans la trame, vibrante et victorieuse, du refus. Contre l’absence, le dérisoire et l’amnésie, je creuse et j’édifie, je capture, je captive ; j’enregistre, je transcris et je célèbre. Je rature et je réécris.
Aiguisée par d’autres plumes, imperturbables et solitaires, la mienne trace une trajectoire tantôt laborieuse, tantôt vive.
Issue de haute enfance, barbouillée de lait, blanchie de craie studieuse, mon écriture a grandi sous les branches maîtresses, exploré les fondrières et niché sous les combles.
Inédit in « La Poésie francophone de Belgique », Werner Lambersy, © éditions le Cherche-Midi, 2002, page 155
Internet
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article Wikipédia
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entretien avec l’auteur, Encres vagabondes
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le blog de Colette Nys-Mazure
Contribution de Hélène Millien
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