Il fait ses études chez les maristes au Collège Stanislas, puis au Lycée Monge, à Paris.
Il se fait remarquer, dès les années 1890, par un talent précoce pour la peinture, si bien que son père, à titre de test, envoie au salon des artistes français, une de ses toiles qui sera non seulement retenue, mais même primée. L’année suivante, il entre à l’École des arts décoratifs, et fréquente le Louvre où il rencontre Georges Braque et Marie Laurencin.
En 1897, il se passionne pour l’impressionnisme qui marque pour lui le début d’une période très féconde marquée par des expositions personnelles qui reçoivent un accueil public enthousiaste.
À la tête d’une fortune familiale dont il hérite à sa majorité, il va, cependant, remettre en cause ce succès marchand et engager des nouvelles recherches picturales, influencées par Gabrièle Buffet qu’il rencontre en 1908, et qu’il épousera en 1909.
Entre 1913 et 1915, il se rend plusieurs fois à New York, où il y introduit l’art moderne et prend une part active dans les mouvements d’avant-garde.
En 1918, il rencontre Tzara à Zurich, puis Breton à Paris où, au sein du surréalisme il va évoluer en électron libre faisant jouer son rejet de toutes les valeurs consacrées.
Selon André Breton, « il fut le premier à comprendre que tous les rapprochements de mots sans exception étaient licites et que leur vertu poétique était d’autant plus grande qu’ils apparaissaient plus gratuits ou plus irritants à première vue ». Il peut, à ce titre, être considéré comme un des initiateurs des thèses surréalistes.
Labyrinthe
La
volonté attend sans cesse
Un désir sans trouver.
Le cran
d'arrêt passionne l'absence
de gaudriole.
Une cicatrice vers
la nuit
profane la réflexion.
Il n'y a que
détachement
incrédule.
On me fait souffrir
parce que je
sais l'indifférence
Banalités embarquées sans cesse
sur
elles-mêmes :
Les horizons attirent les yeux
de nos
sentiments.
In La poésie surréaliste, © Seghers 1970 p 273
****
Rahat-Loukoums
J'ai
des misères en pentes raides et nues,
Les ricochets sans jupes
contemplent la mer
Pour m'embrasser voluptueusement comme un
bouquet
C'est endormir mes petites larmes d'opium
La science
infinie, personnage mandarin de la lune
Voilà mon vêtement en
cerf-volant de miel glacé.
Je l'ai écrit sur le lit transformé
de la belle saison
Que se câliner plusieurs fois les seins
Dans
le musée fermé
Sous des vêtements en boule
Devient du fard
sur une pendule.
La croix de l'alcool au menton bleu poétique
Me
révèle une barrière de lanternes,
Redoutable volte-face
Du
danseur sur la piste plate-forme
Dans l’imprévu silencieux
d’une allée vide
Je suis sur la montagne des femmes fières
Sculptées jusqu’au cou
Ibid p 273
****
Oiseau réséda
Un
soir, ses longs cheveux en arrière
la petite danseuse bizarre se
faisait une ceinture.
avec la fièvre des marais souvenir de
promenade.
Animée elle pressait sur ma bouche un
buisson.
Gâteaux de sucre rouge renflement en chignon
où
l'église vieille boîte à musique
parée avec un collier de
perles de petit chien
entra dans ma chambre magnifique.
La
nuit mes bras tournoient sur l'herbe
son sourire scintillait par
derrière immobile
dans la pièce particulièrement silencieuse
et
toujours droite elle s'endormit.
ibid p 274
****
Cafetière de beurre
Les guides à la main semant sa jolie langue tout essoufflée avec une gaule amazone la montagne bébé ramasse cinquante centimes dans le jardin sangsue anémone tombée d'une échelle carte postale.Le frein de la salade en ceinture de cuir une orange à la main souffle sur les vêtements du pâtissier qui fait les vendanges à l'hôpital du drapeau à la hampe de radis. Nous sommes dans le grenier des merles où l'aimable araignée porte des pépins d'un air fatigué dans la large liqueur des gilets en petits vers rongeurs.Voltiger en l'air festin de chenille c'est le risque du paradis de fer blanc suspendu au plafond de la cheminée.
ibid p 274
Dans les années 1920, il partage son temps entre New York, la Normandie et la Côte d’Azur, et fait de son mieux pour dépenser sa fortune, dans les jeux de hasard, les fêtes ou les collections d’automobiles dont il possédera plus de 150.
Il y réussira parfaitement et terminera son existence, ruiné.
Fin 1951, il souffre d’une artériosclérose paralysante qui l’empêche de peindre.
Il meurt à Paris en 1953.Pyjama blanc
M'interrompant
dans mon spleen
Sur une petite pelouse clergyman,
Une jolie
figure entre doucement dans
ma propriété !
Venez sans
perquisitions, tout bonnement
Et prenez le chemin des échantillons
nouveaux.
Comme vous pouvez le voir je suis extraordinaire,
Je
ne sais pas, conduisez-moi
Je veux visiter toutes les pièces
Et
pour consacrer chaque instant
à une complicité
Je vous ai
apporté l'empreinte
du petit cachet-diamant.
Je me tracasse
encore comme si
j'étais un autre
Cela est fort étrange...
ibid p 275
****
Bonheur nouveau
Nous aimer les uns les autres est un sentiment lointain, lointain comme la patrie vaincue ou victorieuse ; Je me sens le devoir de devenir un type contraire — contraire à tout. Les hommes sont mal renseignés, je suis le contraire d'un examen, le contraire d'une analyse le contraire d'une croyance ; je travaille à fonder celui qui va venir, rythme et rime, comme les libres-anarchistes. Les hommes ont toujours l'idée fixée d'avance, intercalée conformément au but, but identique chanson populaire de sons familiers. L'essor est trop lourd, les courbes et les détours comme la propriété profitent aux zones tempérées. La morale est le contraire du bonheur depuis que j'existe.
ibid p 275
****
Colin-maillard
Le
hasard est une cigarette
qui donne faim.
Les amis
gesticulent
comme les rides
sur un corbillard qui passait
j'ai
lu :
il est mort
parce qu'il ne buvait pas assez,
il est
mort
sur une jambe
faite d'une queue de billard ;
de son
vivant
on mettait du blanc
sur son procédé
pour l'empêcher
de glisser ;
il est mort
pendant les vacances
au bout d'une
corde
signée « procès-verbal » ;
entre les Açores et
Lisbonne
une goélette américaine
transporte sa fortune
sur
le calme plat
des experts.
L'avenir
est un instrument monotone.
Ibid p 276
****
Les dominos
Au
catéchisme des offrandes, j'ai chanté la vie,
nid d'abeilles
d'où s'échappent les forces,
château des odeurs
concentrées.
J'ai regardé sous les persiennes le parfum qui
tue.
Le parfum en spirales
qui
n'est tangible que pour le cœur.
Mais mon cœur est
masqué de noir,
depuis que vos doigts l'ont touché
et je puis
affronter sans crainte
la piqûre des oiseaux-fées ;
je suis
plus fort que la vie,
depuis longtemps je suis parti.
Serrez
sur votre poitrine ce qu'on nomme la douceur ;
vous verrez pleurer
votre bouche
car la douceur et le miel
sont
des dominos rose pâle
tout garnis de dentelle noire
et
doublés en soie de chagrin.
Ibid p 277
****
L’enfant
L'automne
est fané
par l'enfant
que nous aimons.
Ainsi qu’un
vautour
sur une charogne
il
diminue sa famille
puis disparaît
comme un papillon…
Ibid p 277
****
Nager
Je
suis le mirage au-dessus de la littérature
des absinthes
bourgeoises.
Supposition tendre d'alcoolique buvard,
auteur
fantôme d'un travail nouveau !
La route est discrètement
sauvage,
coupée d'illuminations.
La mort, occasion unique
des
splendeurs invisibles,
est couchée sur un lit de repos.
Comme
un poète impair,
Je suis l'auteur de la mauvaise tenue.
Ibid p 278
****
De l’autre côté
Assis
à l'ombre de l'eau
l'idée mélancolique m'emporte
vers les
époques de la main-gauche.
Les oiseaux n'arrêtent que pour
pleurer !
L'épouvante est que vous mourrez en petits
morceaux
dans le mauvais lieu de la vie,
la tête dans les
mains, sans but.
Prenez un verre de couleur,
jetez-y trois
gouttes de froid,
vous aurez le parfum d'après.
N'ayez de
reconnaissance pour personne ;
ceux qui survivent sont les
assassins.
La mort est le prolongement horizontal
d'un rêve
factice,
la vie n'étant pas vérifiable.
Ibid p 278
-
Poèmes et dessins de la Fille née sans mère, © Lausanne, Imprimeries réunies, avril 1918.
-
L'Ilot de Beau-Séjour dans le Canton de Nudité, © Imprimeries réunies Lausanne, juin 1918.
-
L'Athlète des Pompes funèbres, © Imprimeries réunies Lausanne décembre 1918.
-
Râteliers platoniques, © Imprimeries réunies Lausanne, décembre 1918.
-
Poésie ron-ron, © Imprimeries réunies Lausanne, février 1919.
-
Pensées sans langage, Paris, © Eugène Figuière, Paris avril 1919.
-
Unique Eunuque, © Au Sans Pareil, Coll. « Dada », février 1920. Rééd. Paris, Allia, 1992.
-
Jésus-Christ Rastaquouère, © Collection, « Dada », automne 1920. Rééd. Paris, Allia, 1996.
-
Caravansérail © Ed. Luc-Henri Mercié. Paris, Belfond, 1975.
-
Choix de poèmes par Henri Parisot, Paris, © Guy Lévis-Mano, 1947.
-
Lettres à Christine, édition établie par Jean Sireuil. Présentation, chronologie et bibliographie par Marc Dachy. Paris, © Champ Libre, 1988.
-
Écrits, deux volumes. Ed. Olivier Revault d'Allonnes et Dominique Bouissou., © Belfond, 1975 et 1978.
-
Écrits critiques, préf. Bernard Noël. © Ed. Carole Boulbès. Paris, Mémoire du Livre, 2005.
Internet
-
Un article Wikipedia
-
Sur le site du centre Pompidou, l’œuvre picturale de Picabia
Contribution de Jean Gédéon
Commentaires