la nature luit
d’un éclat doré
de buisson ardent
Le livre s’ouvre sur un futur prophétique, « [l]a joie viendra ». Annonce claire d’une couleur pour le monde, « ciel bleu sur la neige ». Équilibre du présent se dessine dans une esquisse « [s]ans visage encore », de celles qui voisinent avec les promesses. Au futur simple succède le passé composé : il concentre l’attente qui « s’est faite compte à rebours », champ libre pour l’espoir de tout ce qui germe dans le poème.
Poète traversant les saisons, l’été fut bref rappelant au bleu sa vocation, naître
« à rêver
d’un septembre sans fin livrant
ses fruits parmi les sorbiers rouges
et l’or en suspension ».
C’est sur ce seuil de fruits et de fleurs, de soleil et d’or que la parole se fonde. Éternité d’une nature rassemblant ses trésors, Béatrice Marchal les nomme et les laisse entrer dans le poème comme une note grave, familière et magique. Le charme ne se rompt pas. La chronologie s’égrène dans Équilibre du présent, le moment partagé et actuel se nourrit du passage des vents et des mois alors que le regard se pose sur le mystère des campagnes. La limite du temps des hommes nous donne « l’avidité du condamné », elle est gage d’une perception accrue des êtres et des choses. Les bouleaux à l’écorce claire allègent les montagnes d’ici (les Vosges) comme celles du Canada confortant « la vision/ d’un printemps à venir ». Réceptive aux arbres et aux liens qu’ils tissent avec le paysage, Béatrice Marchal évoque « les grands pins » et « le vieux chêne », témoins du temps où vivait son père envisageant leur coupe, détaillant les rites qui président à l’abattage. Béatrice Marchal se les remémore et voit les arbres coupés tels qu’ils furent alors comme elle reparcourt le chemin de Verdun et la voix lisse de son grand-père narrant la guerre, les luttes et les amis perdus. Mémoire garante de l’essence d’enfance, petits riens retenus – airs oubliés, le poème.
En quatre parties ou quatre actes, les poèmes se suivent levant un à un les obstacles pour découvrir « [d]ans un creux une fleur de myosotis/ par le bleu intense de ses pétales », passages où trouver Orphée entre les vivants et les morts, libre et lié aux fleurs par le poème qui les garde. Eurydice dans le chant, « [e]n lui tu te retrouveras », futur initial retrouvé au terme du livre, en deux papillons blancs « accordés ».
Des gestes parcourent les poèmes, la cueillette des mirabelles dans un poème dédié à Richard Rognet où le temps du mûrissement devient maturation pour l’écriture, les fruits se transformant « en pulpe de mots », dans les paysages des Vosges chères à Béatrice Marchal qui s’opposent au ciel de Paris « longtemps subi », percé par le regard cherchant lumière.
Musicalité douce d’une poésie en quête d’apaisement, la redite des mots invite à une lecture lente. Antienne, une musique d’autrefois nous est restituée dans celle d’aujourd’hui, l’écriture la préserve :
« Les chansons oubliées
renaissent sur les lèvres
renaissent sur les lèvres
avec un goût de fruits ».
Le mot « mirabelles », les lèvres le prennent en bouche pour le prononcer, le poème le joue et le coquelicot le murmure en flamme, comme s’il avait fallu pour cet apaisement la traversée d’une durée sombre, « foudre tombée sur l’arbre » brûlé « jusqu’au secret : des racines ». « [M]atière noire », nécessaire et périlleuse, elle ouvre sur l’attente « [a]ux proportions du ciel ». Les rencontres la consacrent (les dédicataires des poèmes sont nombreux), tissu des liens qui unissent à l’ami, à l’amour, à l’enfant, comme les arbres ou les fleurs et les fruits, les êtres nous ouvrent à la promesse bleue.
Nommer : sortilège de parole bousculant la « matière noire » et terrible menant à « la vivante forêt où il faut t’enfoncer/ enfin avec audace ».
Bibliographie partielle
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Équilibre du présent, © Editinter, 2013
Contribution de Isabelle Lévesque
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