La peur de les voir emporter notre lune
le cri de notre thym
l’odeur de notre blé
nous pousse vers le nord
le nord emmitouflé dans ses guenilles de froid
Ils brûlent leurs mots et leurs morts en bordure de nos champs
puis chevauchent le fleuve jusqu’à extinction de ses rives
vers le littoral qu’ils situent à ses lumières
Plus de mille ans qu’ils lacèrent leurs faces jusqu’à l’aubier
les repeignent en blanc après chaque éclipse
Mais rien n’apitoie le vent à l’écoute de ses propres lamentions
Plus de mille ans qu’ils plantent leur blé sur le brouillard
récoltant un pain nuageux qui pleure dans les huches
Hommes nés derrière le soleil
vous emboitez le pas aux peupliers qui migrent par bandes filiformes
hanches soudées par la même glu
la même peur
Vos soleils n’ont pas de domicile fixe
et vos arc-en-en-ciels terminent leur trajectoire dans les poubelles
le moindre heurt entre vos terres et le crépuscule
les précipite dans leur sang
un jour
vous hisserez le pays sur vos épaules pour l’implanter plus loin
sur une terre moins réticente
laissant derrière vous
un cimetière qui aboie à la lune
et un site fendu comme femme désherbée
In « 101 Poèmes et quelques contre le racisme » © Le Temps des Cerises, 1998, page 99
Vénus Khoury-Ghata, poétesse française d’origine libanaise, a obtenu le Prix Renaudot en 2007 et le prix Goncourt de la Poésie en 2011.
Internet
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La Pierre et le Sel, contribution de Roselyne Fritel, 2011
Contribution de Hélène Millien
J'ai découvert d'abord Vénus par ses romans, mais ensuite j'ai plongé dans ses poèmes et depuis je ne m'en lasse pas Une grande dame engagée qui dit sans jugement qui expose l'âme non seulement de l'être mais aussi de la Terre Merci de l'avoir mise en avant
Rédigé par : La Nouille Martienne | 17 mai 2014 à 15:01