La Pierre et le Sel rendait hommage à Hélène Cadou en mai 2012. Hélène Cadou est décédée ce 21 juin 2014 jour de l’été, à l’âge de 92 ans. Elle rejoint ainsi René Guy Cadou, plus de 60 ans après sa disparition, au paradis des poètes, s’il en est un. Autant d’années de fidélité à la mémoire et à l’œuvre de celui, trop tôt disparu, qui écrivit pour elle Hélène ou le règne végétal :
La maison d’Hélène
Il a suffi du liseron du lierre
Pour que soit la maison d’Hélène sur la terre
Les blés montent plus haut dans la glaise du toit
Un arbre vient brouter les vitres et l’on voit
Des agneaux étendus calmement sur les marches
Comme s’ils attendaient l’ouverture de l’arche
Une lampe éparpille au loin son mimosa
Très tard les grands chemins passent sous la fenêtre
Il y a tant d’amis qu’on ne sait plus où mettre
Le pain frais le soleil et les bouquets de fleurs
Le sang comme un pic-vert frappe lentement les cœurs
Ramiers faites parler la maison buissonnière
Enneigez ses rameaux froments de la lumière
Que l’amour soit donné aux bêtes qui ont froid
À ceux qui n’ont connu que la douceur des pierres
Sous la porte d’entrée s’engouffre le bon vent
On entend gazouiller les fleurs du paravent
Le cœur de la forêt qui roule sous la table
Et l’horloge qui bat comme une main d’enfant
Je vivrai là parmi les roses du village
Avec les chiens bergers pareils à mon visage
Avec tous les sarments rejetés sur mon front
Et la belle écolière au pied du paysage.
In René-Guy Cadou, Œuvres poétiques complètes II, © Seghers, 1973
Discrète quant à sa propre écriture, elle accepta de publier après la disparition de son mari. En 2012, Bruno Doucey rééditait deux de ses recueils parus initialement en 1956 et 1958 chez Seghers, Le bonheur du jour et Cantate des nuits intérieures.
Comme une fenêtre qui s’ouvre
Comme une rose qui s’éveille
Je te retrouve chaque jour
Toi qui me donnes la raison
Par toi je dispose du ciel
Et j’ose prendre sans remords
Ma part vivante des choses.
S’il est dans l’ordre de l’été
Que chaque arbre ait double visage
Je me nourris de ta lumière
Et ne veux plus être pour toi
Que ton poids d’ombre sur la terre.
In Le bonheur du jour, © Bruno Doucey, 2012
Elle eut le bonheur de pouvoir revenir à Louisfert, de pouvoir accueillir les visiteurs dans l’école devenue musée consacré au poète.
Reste le souvenir d’une poète sensible et attentive aux autres, à la correspondance généreuse et à l’amitié fidèle.
Aidez-moi à regarder en face une autre lumière
Décidez pour moi des épreuves nécessaires
J’aborde une contrée plus large que la vie
Je n’ai ressource
Que l’eau claire
Mesure
Que des battements du silence.
Nul ne peut vous entendre
Tant vous faites de signes sans vous nommer
Choses contenues dans la nuit
Échos sauvés sur l’absence !
Ah ! qu’un jour enfin je parvienne
À cet étage inhabituel
Des vérités dérobées
Et qu’on m’en explique l’usage !
Mais qui ferait glisser les portes de l’espace ?
Quels regards déchirants
Déchirés
Pourraient ouvrir ce passage
D’éternité lucide entre les astres.
In Cantate des nuits intérieures, © Bruno Doucey, 2012
Contribution de PPierre Kobel
Hélène Cadou est partie avec l'été. Été qu'elle célébrait ainsi, en 1981, dans son recueil "Une ville pour le vent qui passe", publié par Rougerie, son éditeur préféré. Elle aura rejoint, je l'espère, celui qu'elle appelait "Le prince des lisières":
Dans l'été
L'éternel
Juste
À l'instant prévu.
Heureuse je suis de la savoir délivrée d'une fin de vie passée dans un épais brouillard, elle si lumineuse et amicale.
Rédigé par : Roselyne Fritel | 24 juin 2014 à 09:06