Où est la source de ce qui devint tes larmes ?
Je ne connais pas assez l’histoire de ton visage
ni les saisons qu’il eut avant d’oser se regarder
dans le vrai miroir de ton âge.
Pourtant quand je vais vers toi c’est autant vers moi-même
puisque nous vivons le même destin,
nous nous étreignons dans les mêmes sommeils
pour étouffer le moindre rêve qui nous séparerait.
Et nous sommes, au matin, dans la même lumière
d’un jour nouveau qui ne sait rien
de nos joies et de nos chagrins.
O chemins en nous où parfois en armes
parfois en larmes nous affrontons le temps.
In La vie atteinte, © Rougerie, 2014, p.9
« On ne saurait rêver poésie plus sobre, voix plus discrète : on croit entendre quelqu’un se parler pour empêcher simplement les ombres du dehors de trop se mêler aux ombres du dedans. » écrit Jean-Marie Le Sidaner à propos de Jean-François Mathé dans Le Mensuel littéraire et poétique de Bruxelles. Cette discrétion elle est au cœur de ce recueil, La vie atteinte, que publie Rougerie. Quête de soi à l’heure d’un bilan quand la roue tourne, les textes de J-F Mathé ne se tiennent pas à une introspection exclusive, mais s’adressent à l’autre, si inconnu soit-il. Claude Vercey évoque la voix de René Guy Cadou à propos de son écriture. J’y trouve aussi des échos des notations de Jaccottet et de Thierry Metz à travers l’évocation d’un réel transcendé, mais jamais négligé, qui se glisse dans les vers pour constituer un maillage tangible et nécessaire.
Dans la maison des yeux fermés, on croit
à la lumière, mais nul ne la voit.
Alors, aveugle, on ne sait si tel geste
qu’on fait pour saisir, saisit ou renverse.
Qu’importe après tout. Il reste le doute
qui ne laisse plus s’en aller les routes
toujours quelque part. C’est à lui qu’on doit
de n’être jamais celui que l’on croit,
mais celui qu’on cherche et parfois qu’on aime
quand on le rejoint au bout du poème.
In La vie atteinte, © Rougerie, 2014, p.39
Jean-François Mathé écrit ailleurs : « Les poètes s’intéressent à des petites choses, des moments de la vie qui n’ont l’air de rien, pour les agrandir. Le but est de prendre un détail et d’essayer de lui donner un prolongement qui donne matière à réflexion. » Car, et c’est là l’essentiel, l’auteur n’oublie jamais que l’espérance se nourrit au langage de la poésie, fut-il le plus humble et le plus modeste. La langue poétique de Jean-François Mathé se tient à cette simplicité sans vanité ni spectaculaire, mais qui sait nous ramener à l’essentiel de notre quotidien. C’est un souffle discret que celui de cette langue ténue, mais d’une exigence indispensable dans un temps de rapidité avide et destructrice.
Toujours, j’ai cherché ce que le blanc des pages
disait de plus que les mots,
comment il les agrandissait
hors de l’encre qui les enfermait.
Et parfois, comme le silence de la neige
devient murmure, m’atteignaient les voix
de ceux qui étaient allés au plus loin
dans le secret du monde et
révélaient à voix blanche
ce qu’aucun mot ne saurait dire.
In La vie atteinte, © Rougerie, 2014, p.41
Bibliographie partielle
Aux éditions Rougerie
-
Agrandissement des détails, 2007
-
Le Ciel passant, 2002 - Prix Roger Kowalski, ville de Lyon, 2002
-
Le Temps par moments, 1999 (épuisé) - Prix du livre en Poitou-Charentes, 1999
-
Sous des dehors, 1995
-
Surgi de ce temps, 1995
-
Saisons surgies. 1993
-
Corde raide fil de l’eau, 1991
-
Contractions supplémentaires du cœur, 1987 - Prix Artaud, 1988
-
Navigation plus difficile, 1984
-
Mais encore, 1982
-
Ou bien c’est une absence, 1978
-
Instants dévastés, 1976 (épuisé)
-
L’Inhabitant, 1971 (épuisé)
Autres éditions
-
Poèmes poids plume, Le dé bleu, coll. « Le farfadet bleu », 1998 - Poèmes pour enfants illustrés par François Baude
-
Passages sous silence, Maldoror (Berlin), 1996 - Édition bilingue - livre d’art illustré par Minos Meininger
Poèmes en anthologies
-
Panorama de la poésie française, approche de l’an 2000 - Éditions Moebius - Québec
-
Des poètes en Poitou-Charentes, revue « Poésie présente » - Éditions Rougerie
Textes pour des photographes
-
Catalogue de l’exposition « Événement d’espace », 1994 - Photos de Sylvie Tubiana
-
Catalogue de l’exposition « X », 1993 - Photos de Délia Matheson et Thierry Girard
Internet
Contribution de PPierre Kobel
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