Le poète Tomas Tranströmer est décédé le 26 mars dernier. Notre ami Jean Gédéon lui avait consacré un article en 2011. C’est le moment de réaffirmer quel grand poète il fut et combien il est indispensable de le lire et relire. « La découverte d’une poésie ni lyrique, ni critique, ni postmoderniste, ni hostile à la Technique, ni quoi que ce soit de répertorié, pouvant apporter une énergie neuve. » écrivait à son propos Gérard Noiret.
Portrait et commentaire
Voici le portrait d’un homme que j’ai connu.
Il est assis à table, le journal grand ouvert.
Ses yeux se sont logés derrière ses lunettes.
Son costume est lavé aux lueurs des sapins.
C’est un visage blême, à moitié achevé.
Mais qui a toujours su éveiller la confiance. Ainsi
on se gardait de l’approcher de près
et peut-être alors de tomber sur un drame.
Son père, dit-on, roulait sur l’or.
Mais personne chez eux n’en était vraiment sûr –
on avait l’impression que des pensées étranges
entraient de force la nuit dans la villa.
Le journal, ce grand papillon sale,
la table et la chaise et le visage se délassent.
La vie s’est arrêtée dans des cristaux géants.
Qu’elle n’en sorte plus jusqu’à nouvel ordre !
*
Ce que je suis en lui repose.
Et existe. Il ne vérifie rien
et ainsi, cela vit et perdure.
Qui suis-je ? Il y a longtemps
j’approchais parfois quelques secondes
ce que je suis, ce que je suis, ce que je suis.
Mais au moment de me découvrir,
je m’effaçais et un trou se creusait
et je tombais dedans, tout comme Alice.
In Baltiques – Œuvres complètes 1954-2004, © Poésie/Gallimard, 2004, p.113
Traduction Jacques Outin
Internet
-
Un article de Jean Gédéon dans La Pierre et le Sel
- Tomas Tranströmer, un poète de notre temps, un autre article de Jacques Décréau, également dans La Pierre et le Sel
- Wikipédia
-
Un article de Gérard Noiret dans le blog de la Quinzaine littéraire
-
« Tranströmer, langage au-delà du langage », un article dans Remue.net
Contribution de PPierre Kobel
Commentaires