Roland Nadaus a toujours placé la poésie au cœur de son existence. Elle est restée infailliblement le creuset de ses engagements militants, de ses mandats politiques, des responsabilités qu’il a prises durant toute sa vie. Ne dit-il pas lui-même qu’elle « est, avec la foi, la quintessence des activités supérieures de l’homme. »
C’est par la poésie que Roland Nadaus exprime dans ce recueil son attachement à un paysage, celui du bocage de la Mayenne, qu’il décline ses traverses, sa flore et sa faune pour mieux dénoncer sa destruction, car c’est là, en même temps que la perte d’un terroir et de son histoire, l’oubli d’une part d’humanité et l’ensevelissement de la mémoire, une part de l’oubli de soi-même au soir de l’existence.
Archipel du bocage
C’est mon île. L’archipel de mes yeux. Tous ces prés entre haies vives – Et ces champs où marcher c’est revivre, parce que la boue colle à la vie comme cette herbe aux pattes des bêtes entre ruisseaux lourds et prés mûrs
C’est mon île. – Je n’y mourrai pas : on ne meurt jamais là où c’est déjà revivre – tous les ressuscités vous le diront.
Mon île, mon bocage. L’archipel de ma vie. Mes îles vertes sous le vent, ma pluie.
– J’en suis bête comme un amoureux.
D’un bocage, l’autre – © Henry, 2014, p.8
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Vaches
Si j’étais vraiment sûr de mourir aussi vite qu’il est prévu, j’irais plus souvent parler aux vaches dans les prés :
Elles qui finiront biftecks doivent avoir une idée sur la mort ? – une bonne idée ! Et sur la résurrection, donc !
Au lieu de cela je paresse : je travaille comme un fou, des quinze heures par jour, et je n’ai même plus le temps de marcher par les chemins creux. – Je dois mourir sans m’en rendre compte.
Mais un soir je partirai – pour la promenade, pour les oiseaux dans les haies. Et, tout comme mon premier chien, je ne reviendrai pas. De moi, on ne retrouvera rien – que ce poème antidaté.
Et moi-même, je ne sais où je serai.
Ibid, 2014, p.28
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Feuillages
Le temps me passe à travers jambes, sur le chemin, à marcher. Silence du bocage, un dimanche après-midi. Paix de feuillages et de haies – de chemins enfoncés dans la terre, paix d’oiseaux.
Quelque chose qui respire – et qui est plus que nous. Et qui nous contiendrait – car ce silence n’est pas silence, non : mais souffle, une respiration.
Paix au-dedans. Et le temps passe, sur le chemin pas à pas. – Sentir le temps qui passe est un grand privilège. Une grâce, oui.
Car c’est le temps des arbres et de la terre, un dimanche, dans le silence chaud du bocage aimé.
– Quelque chose de plus grand. –
Ibid, 2014, p.53
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Colère et mémoire
J’arrête ici ma colère.
J’arrête ici ma mémoire.
Je vais bientôt passer de l’autre côté – s’il existe.
Mais s’il existe, c’est celui de la terre et de sa renaissance. Le grain de blé. Le blé en herbe. La moisson. Les ouvriers de la moisson.
Puis à nouveau le semeur : alors, ça germe ? Et parfois ça ne germe pas. Et souvent ça germe, mais les ronces sont plus fortes, etc.
Alors je pose seulement cette question :
– Pour détruire un arbre, pour saccager une haie, il suffit d’un coup de pelleteuse. Mais pour élancer un chêne, y avez-vous pensé ?
À l’éternité ?
Ibid, 2014, p.87
Bibliographie partielle
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D’un bocage, l’autre, © Henry, 2014
Internet
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Roland Nadaus dans Texture
Contribution de PPierre Kobel
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