Que mon absence ne t’attriste
Non plus que mon départ
Mes trahisons
Mon abandon
De toutes tes senteurs
Je suis le parfum
Le reflet de tes eaux me reconnaît
La verdeur de tes herbes me reconnaît
Et dans l’écho de mes pas
La terre
danse
In Le retour de Wallada, © Al Manar, 2010, p.27
C’est un départ à la retraite qui n’en est pas un. Ce soir Aurélie Dupont quitte le corps de ballet de l’Opéra de Paris où elle était étoile depuis 1998. Elle atteint l’âge légal qui l’oblige à cela. Elle restera à l’Opéra comme maître de ballet sur la proposition de Benjamin Millepied.
Avec elle c’est une des plus grandes danseuses contemporaines qui s’en va de ce corps d’élite de la danse. Après une formation exigeante qui fit d’elle une technicienne hors pair et un parcours classique, elle sut par son intelligence et sa sensibilité, saisir les opportunités artistiques qui lui permirent de faire évoluer son art. Ainsi quand elle répondit à l’appel de Pina Bausch qui la conduisit sur de nouvelles voies. Ainsi quand elle sut reconstruire ses apprentissages après une grave blessure qui menaçait sa carrière.
Charles Baudelaire
Le serpent qui danse
Que j’aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau !
Sur ta chevelure profonde
Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,
Comme un navire qui s’éveille
Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.
Tes yeux où rien ne se révèle
De doux ni d’amer,
Sont deux bijoux froids où se mêlent
L’or avec le fer.
À te voir marcher en cadence,
Belle d’abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d’un bâton.
Sous le fardeau de ta paresse
Ta tête d’enfant
Se balance avec la mollesse
D’un jeune éléphant,
Et ton corps se penche et s’allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l’eau.
Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l’eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,
Je crois boire un vin de Bohême,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D’étoiles mon cœur !
In Les Fleurs du mal
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Léopold Sedar Senghor
Tombe le boubou. Au coup sec de la syncope
Fuse le buste transparent sous la chasuble noire, striquée d’or vert consonant au cimier
Dont la jupe est ouverte sur les flancs, sur les jambes vivantes.
C’est le deuxième mouvement
Qui germe dans le sol quand battent les plantes des pieds
Secoue les hanches, et c’est la montagne volcan qui tangue, cambre les lombes
Pour exploser, la gorge éclose, dans l’éclat serein du Printemps, le parfum sombre du gongo, la terre de la chair.
Puis sous le ciel délié diaphane, s’ouvrit le mouvement des pollens d’or.
Ce sont deux danses parallèles, regardant respirant l’haleine de la brise.
Mais pivotant avançant l’un vers l’autre, l’onde tremblante nous saisit
Nous poussa l’un vers l’autre : toi ondulant
Les bras les mains, comme une corbeille de fleurs signant l’offrande, et moi
Autour de toi, la tornade de sable ardent en saison sèche, le feu de brousse.
Brusquement, d’un coup de reins je fus jeté loin
T’abandonnant, bien malgré moi, à ton attente vide.
Et tu courus à moi dans une trémulsion de la nuque à tes talons roses
Descendant bas si bas, sur tes genoux à mes genoux
Chantant le chant qui m’ébranle à la racine de l’être :
« Dis-moi dis-moi mon Sage mon Poète, ô dis-moi les paroles d’or
Qui font poids et miracle dans mon sein.
Que ton rythme et la mélodie en disposent les sphères dans le charme du nombre d’or ! »
Retourné soudain, je t’atteins en coup de vent, et nous fûmes debout, et face à face
Comme lune et soleil, mains dans les mains, front contre front, nos souffles cadencés.
De nouveau tes genoux fléchis au bout des longues jambes et galbées
Nerveuses sous l’ondoiement des épaules, oh ! le roulis rythmé des reins
Je dis les labours profonds du ventre de sable.
Je me souviens de mon élan à ton appel, jusqu’à l’extase
Des visages de lumière, quand tu reçus, angle ouvert cuisses mélodieuses
Le chant des pollens d’or dans la joie de notre mort-renaissance.
In Élégie pour la reine de Saba, Œuvre poétique, © Points/Seuil, p.338
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Contribution de PPierre Kobel