Dans Esprits nomades, Gil Pressnitzer écrit à propos d'André Laude : « Cet homme était le livre du monde de la poésie, dont il pouvait dire par cœur des myriades de vers, avait fait glisser l’une sur l’autre et sa vie et la poésie tout entière. Fleuve Amazone de tous les affluents qu’un jour ont pu faire couler hors d’eux les « hommes-paroles », il draine les limons de tout ce qui un jour a su vibrer et changer l’eau en sang vivant.
Il laisse sur les eaux les ricochets de sa Bretagne et de son Occitanie, de son enfance et de ses guerres. Les galets des hommes sont plus lisses après lui. Et ils apprennent enfin à maudire les mensonges et cette fausse vie que l’on leur fait.
André Laude était certes désespéré, mais il a su sortir du bain rituel du néant. Il croyait très fort au temps du retour des hirondelles, il croyait en l’homme, aux lumières de la fraternité. »
On trouvera de nombreuses autres paroles dans la contribution d'André Chenet sur son blog Danger poésie.
Vingt ans après sa disparition, l’œuvre d'André Laude ne peut que prendre une place de référence, repère nécessaire quand la culture dans son ensemble, la littérature et la poésie en particulier se doivent d'être à l'avant de la résistance aux forces destructrices du monde et de l'humanité.
Avec ce chant
avec ce sang
je bâtis la ville
dure imprenable
au-dessus du brouillard
avec cette bouche
douleur et fruit
je creuse la terre
vers l’aube promise
revêtu de ma lumière
tel les rois mages
mais qui suis-je ?
Melchior le turbulent
Gaspard l’ascète sage
ou Balthasar aux mains d’huile brûlante
Avec ces pieds
de blessures et de joie
je réduis la distance
de moi à moi
traversant les miroirs
les encres et les neiges
Avec ce chant
avec ce sang
et quelques mots
princes et mendiants
je repousse l’agonie
qui déploie ses branches
derrière mon front mortel
vers l’horizon de bronze
où se rassemblent les chiens.
In Dans ces ruines campe un homme blanc
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C’est un ordre d’amour
C’est une présence brûlante que je nomme
dans la fleur d’eau qui tremble entre les feuilles
dans l’acier rigide du pont dans la pomme
L’agenouillement du soleil au bord du fleuve
C’est une présence brûlante que je nomme
quand s’avance puissant comme une étrave
Parmi la houle brutale des hommes
douleur contre douleur sang contre sang
Sous la paupière lourde de l’étoile
Au fond du limon obscur qui râle
déchiré par les crocs du feu et de la pierre
À l’heure où s’éternise en moi la note grave
d’une flûte de berger ligoté dans la toile
d’araignée des brumes
À l’heure où une bande de cerfs allume
Un incendie de prunelles autour de la mare
Et que de mon seul corps je couvre toute la terre
Pareil à une tapisserie de forêts de plaines et de céréales
C’est une réalité durable que je nomme
C’est un ordre d’amour que je sers
In Entre le vide et l'illumination
Contribution de PPierre Kobel
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