Un exemple de ces textes nés des flâneries et autres promenades de Jacques Réda dans les villes et banlieues d'une géographie tout autant interne que topographique, entre curiosité et interrogation, entre reconnaissance et inquiétude sous-jacente.
LA COUTURE
Au fond de la cour bleue où les tilleuls remuent,
La vieille dame, en tablier noir et bleu, coud.
Tout semble juste ici quand on vient de la rue
Pourtant calme un dimanche, avec le ciel beaucoup
Plus profond et majestueux que d'habitude
Et qui s'évase entre les toits comme un large entonnoir
De lumière où s'absorbe un nuage. Le soir
Se rapproche. Mais l'heure est dans la plénitude
Où reposent en mai les longs après-midi
Quand, des arbres que rien encore n'inquiète,
Descend un froissement de pages qu'on feuillette
Et le râle voluptueux d'un ramier engourdi.
Je ne sais quelle porte au hasard j'ai poussée :
La dame en noir et bleu me regarde. Elle coud
Un juste pan d'ombre à la nappe éclaboussée
De soleil où je flotte. Et je sens tout à coup
Qu'elle et moi nous allons bientôt, si je m'attarde,
Nous reconnaître sans pouvoir franchir cette lézarde
Qui fuit sous les tilleuls en travers de la cour.
In Retour au calme ©, éditions Gallimard 1989, page 125
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Un article de Jacques Décréau dans La Pierre et le Sel : Jacques Réda, entre désastre et merveille
Contribution de Hélène Millien
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