Shakespeare ne fut pas qu'un grand dramaturge, son œuvre est traversée de poésie. On trouvera ici un de ses sonnets et trois de ses traductions à l'heure où la littérature célèbre le quatrième centenaire de sa mort, le 23 avril 1616.
II
When forty winters shall besiege thy brow,
And dig deep trenches in thy beauty's field,
Thy youth's proud livery so gazed on now,
Will be a totter'd weed of small worth held :
Then being asked, where all thy beauty lies,
Where all the treasure of thy lusty days ;
To say, within thine own deep sunken eyes,
Were an all-eating shame, and thriftless praise.
How much more praise deserv'd thy beauty's use,
If thou couldst answer 'This fair child of mine
Shall sum my count, and make my old excuse,'
Proving his beauty by succession thine !
This were to be new made when thou art old,
And see thy blood warm when thou feel'st it cold.
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SONNET 2
Lorsque quarante hivers assiégeront ton front
et creuseront des tranchées profondes dans le champ de ta beauté,
la fière livrée de ta jeunesse, si admirée maintenant,
ne sera qu’une guenille dont on fera peu de cas.
Si l’on te demandait alors où est toute ta beauté,
où est tout le trésor de tes jours florissants,
et si tu répondais que tout cela est dans tes yeux creusés,
ce serait une honte dévorante et un stérile éloge.
Combien l’emploi de ta beauté mériterait plus de louange,
si tu pouvais répondre : « Ce bel enfant né de moi
sera le total de ma vie et l’excuse de ma vieillesse ; »
et si tu prouvais que sa beauté est tienne par succession !
Ainsi tu redeviendrais jeune alors que tu vieillirais,
et tu verrais se réchauffer ton sang quand tu le sentirais se refroidir.
Traduction de François-Victor Hugo
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SONNET 2
Lorsque quarante hivers assiégeront ton front,
Au champ de la beauté creusant d’amples tranchées,
Cette prestance altière et par tant recherchée
Où seront-ils alors ceux qui l’admireront ?
Et qu’on demande : Où donc cette beauté se cache,
Ce trésor de tes jours vigoureux si vanté, —
Dire : en tes yeux creusés ? — Ce serait chose lâche,
Flagornerie à froid, compliment éhonté.
Combien plus de louange aura gagné ta cause,
Quand tu pourras répondre : en cet enfant à moi
Se trouve mon bilan, l’actif que je dépose,
Beauté qui me succède et m’appartient de droit.
Et ta vieillesse ainsi prendra nouvelle étoffe.
Ton sang froid sentira qu’un sang neuf le réchauffe.
Traduction d'Igor Astrow in Cent sonnets de Shakespeare, © Perret-Gentil, 1967
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SONNET 2
Lorsque quarante hivers envahiront ta face
Pour labourer profond le champ de ta beauté.
Que sera ta fière jeunesse, que tous admirent ?
Une vêture en loques, de nul prix.
Et si on te demande alors, cette beauté,
Où est-elle, où sont-ils, ces joyaux de tes jours d’ardeur,
Dire, mais ils sont là, dans mes yeux caves,
Ah, l’absurde forfanterie ! Tu mourrais de honte.
Bien plus serait loué l’emploi de ta beauté
Si tu pouvais répondre : ce bel enfant
Éteint ma dette, excuse mon grand âge,
Puisque cette beauté lui vient de moi.
Ce serait là renaître, même vieillard,
Chaud te serait ton sang désormais de glace.
Traduction d'Yves Bonnefoy in Shakespeare, Les sonnets précédés de Vénus et Adonis et du Viol de Lutèce, © Poésie/Gallimard, 2007
Bibliographie partielle
- François Laroque, Dictionnaire amoureux de Shakespeare, © Plon, 2016
- Philippe Torreton, Thank you Shakespeare !, © Flammarion, 2016
Discographie
- Rufus Wainwright, Take all my loves 9 Shakespeare Sonnets, © Deutsche Grammophon, 2016
Internet
- Shakespeare, sonnet 65 dans La Pierre et le Sel
- Œuvres complètes en anglais
Contribution de PPierre Kobel