Arpa est de toutes les revues de poésie, une de celles qui savent le mieux allier qualités du fond et de la forme. Identité visuelle claire, choix de textes mis en valeur par leur présentation sobre, alliance de l’iconographie. On trouvera ici trois textes extraits des numéros 117 et 117 parus respectivement en septembre et décembre 2016.
Jean-Pierre Farines
Du temps comme neige
qui tombe en cristaux
Mort très douce
d’un temps fini
qui recommence
Dénouer le silence
comme un nuage
aux doigts de pluie
caresse un feuillage
Des pensées
qui s’ignorent elles-mêmes
montent des passants pensant
sur les trottoirs de la ville
Qui sommes-nous
et qui sont-ils
marchant comme nous
le jour dans leurs ombres
et la nuit dans leurs yeux
quand ils regardent
sans comprendre
Nuit Matière noire
des rêves errants
sur les jetées lointaines
Voguent de vagues lueurs
de souvenirs aux ailes
d’oiseaux marins
Écouter ce rien
comme une main très douce
posée au creux de l’épaule
et reconnaître cela qui Est
In Arpa 117, septembre 2016, p.80
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Benjamin Guérin
Qu’est-ce que Babel ?
T’en souviens-tu mon ami ?
Nous étions frères de sang sans saignées
Armée sans chef
Le même rêve au corps,
La même couleur, même étendard
– Vraiment ?
Nous goûtions à la même jarre
La peau et la lèvre de la terre
Pour qu’encore coule le vin
En ce temps-là nous étions frères
– Oui, en ce temps-là nous étions frères.
Nous tirions les vaches par la queue
Et notre langue savait la chaude rondeur du sein
– Gigantesque
Nous préférions courir à en oublier de marcher
En ce temps-là nous étions frères
– Oui, je m’en souviens.
Des larmes plein les mains et des graviers dans les poches
Nous terrassions les Cerbères
Au Diable les lois et les hommes
Nous étions libres à jamais
Contant l’amour à la folie
Ne craignant pas, à deux, d’être attrapés
Rappelle-toi
Quand le temps se faisait long et que l’ennui nous gagnait,
nous montions sur la colline voir les travaux avancer.
Du labeur des hommes je n’ai rien retenu.
Quelques vis écrasées…
– « Babel s’est écroulée ! »
In Arpa 118, décembre 2016, p.60
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Émeline Houël
Je connais une forêt où jamais
La pluie ne cesse.
Depuis mon hamac j’écoute
Les gouttes d’eau rebondir
Sur la toile — minuscules percussions
Au rythme de la nuit.
Au matin les arbres
S’ébrouent — lumière blonde
Magnifique et fugace,
La forêt miroite,
Se pare et scintille,
Couronnes de rosée,
Rubans de soleil
Au travers des branches,
Velours des troncs, mousses moelleuses,
Aérienne danse des fougères
Dans l’aube étincelante.
Les pieds nus dans la boue
Le sol est chaud et doux
Humide et glissant
Une éternelle caresse
Organique et primale, indécente,
Sensuelle.
Le jour fauve se lève,
La forêt palpitante éclate,
S’offre, somptueuse et vibrante,
Baignée de splendeur –
Et j’ouvre les mains.
In Arpa 118, décembre 2016, p.73
Internet
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Contribution de PPierre Kobel