Le Journal des Poètes est né en 1931. Revue à la longue histoire, elle est aujourd’hui éditée par les éditions du Taillis Pré d’Yves Namur et dirigée par Philippe Mathy. On trouvera dans le no 2 de 2017 un dossier consacré à Trois poètes grecs de la lumière : Olga Votsi (1922-1998), Yòrgos Thèmelis (1900-1976), Jeanne Tsatsos (1909-2000) présentés et traduits par Bernard Grasset. Les trois textes suivants sont extraits de ce dossier.
Olga Votsi
Délivrance
Sur les rainures incandescentes de la vertu
tout le jour vous vous penchiez,
tout le jour vous vous taisiez.
Vos entrailles étaient près de s’embraser,
vous avez bu la lave bienfaisante,
vous vouliez montrer comment de tout son corps
seul survit le petit doigt de l’homme.
L’abysse vous offrait l’éblouissement
et vous l’avez à nouveau porté de vos deux mains jointes
pour le boire comme un céleste breuvage
dans une coupe si rare.
Ainsi vous libériez
l’avide clameur amoncelée au long des siècles,
vous écartiez un peu les ténèbres
avec le tressaillement de votre cœur,
qui, baigné de larmes, se vêtait soudain de traits de lumière
comme le passage diamantin des ailes de l’hirondelle.
In L’estrade, 1988
Traduction Bernard Grasset
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Yòrgos Thèmelis
Confusions
II
Ne porte pas de pain à ta bouche,
Eau, baiser, mer, lumière,
N’étudie pas le ciel
La Parole ne prend pas chair.
(Existeraient-elles,
Existent-elles les choses,
Choses véritables,
Corps en gestation ?)
Mieux vaut que tu te taises.
Il n’est pas de mot, qui ne te
livre
À tous ceux qui recherchent ton âme.
Si tu cherches l’Amour,
Ils t’offriront le Gibet.
Si tu cherches la Miséricorde,
Ils te lapideront.
(Amour = Gibet,
J’ai pitié = Je lapide)
Dans l’embrasement la gifle,
Le fiel au lieu de la manne.
Le Pain est devenu chaux
L’Eau pour la soif Vinaigre,
On l’offre avec une éponge.
Le sang : eau,
Fleuve trouble
Et qui gonfle.
Mieux vaut que tu te taises
Ta langue soit coupée.
In Ta Biblika, 1975
Traduction Bernard Grasset
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Jeanne Tsatsos
Le soleil s’est levé
Le soleil mélancolique s’est levé
dans le crépuscule,
la cigale chantait encore.
Pourquoi, ô mon Soleil ?
- Le monde étranger s’est flétri
et la solitude, pesante.
Tant de peine à sillonner l’univers,
l’éclairer, lui porter chaleur,
en d’autres temps ils me chérissaient,
me chantaient.
À présent je cherche un peu de cet amour
qui donne naissance aux vers.
Doucement, sans bruit, baisse la lumière,
une ombre claire,
et puis la nuit,
le silence.
In Lumières dans l’obscurité, 1992
Traduction Bernard Grasset
Internet
- Le site du Journal des Poètes
- Un entretien avec Bernard Grasset dans La Pierre et le Sel
Contribution de PPierre Kobel
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