La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Quiconque en discerne la beauté d’une vue ferme et rassise,
il ne la voit pas, non plus que la splendeur d’un éclair.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente et la colonne vertébrale qu’elle est pour aller au-delà du discours quotidien, du réel. Pour se laisser ravir et ravager.
À Octovio Paz
Il y a quelque part un homme
qui transpire la pensée
Sur sa peau se dessinent
les contours humides d’une peu plus fine,
le sillage d’une navigation sans navire.
Lorsque cet homme pense lumière, il illumine,
lorsqu’il pense mort, il devient lisse,
lorsque’il se souvient de quelqu’un, il lui emprunte ses traits,
lorsqu’il tombe en lui-même, il s’obscurcit comme un puits.
On voit en lui la couleur des pensées nocturnes
et l’on apprend que nulle pensée ne manque
de son jour ni de sa nuit.
Et qu’il y a des couleurs et des pensées
qui ne naissent ni de jour ni de nuit
mais seulement lorsque s’accroît un peu l’oubli.
Cet homme a la porosité d’une terre plus vive
et parfois, lorsqu’il rêve, il prend l’aspect du feu,
d’éclaboussures d’une flamme qui se nourrit de flamme,
de retordements de forêt calcinée.
En cet homme on peut voir l’amour,
si toutefois on le rencontre, et si on l’aime.
On pourrait même voir un dieu dans sa chair,
mais après avoir cessé de voir tout le reste.
In Poésie verticale IV, © Le Cormier, 1972
Traduction de Fernand Verhesen
Bibliographie partielle
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Michel Camus, Roberto Juarroz, © Jean-Michel Place, 2001
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Roberto Juarroz, Poésie verticale, © Points/Seuil, 2020
Internet
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La Pierre et le Sel | Un article de Blandine Scelles
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MICHEL CAMUS | Lettre à Basarab Nicolescu sur notre ami Roberto Juarroz
Contribution de PPierre Kobel
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