La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
Chant de nourrice
Pour endormir Madeleine.
Dors mon petit pour qu'aujourd'hui finisse,
Si tu ne dors pas, si c'est un caprice,
Aujourd'hui, ce vieux long jour,
Ce soir durera toujours.
Dors mon petit pour que demain arrive.
Si tu ne dors pas, petite âme vive,
Demain, le jour le plus gai,
Demain ne viendra jamais.
Dors mon petit afin que l'herbe pousse,
Ferme les yeux : les herbes et la mousse
N'aiment pas dans le fossé
Qu'on les regarde pousser.
Dors mon petit pour que les fleurs fleurissent.
Les fleurs qui la nuit se parent, se lissent,
Si l'enfant reste éveillé,
N'oseront pas s'habiller.
Mais s'il dort, les fleurs en la nuit profonde
N'entendant plus du tout bouger le monde,
Tout doucement à tâtons,
Sortiront de leurs boutons,
Quand il dormira, toutes les racines
Descendront sous terre au fond de leurs mines
Chercher pour toutes les fleurs
Des parfums et des couleurs.
Les rosés alors et les églantines
Vite fronceront avec leurs épines
Leurs beaux jupons à volants
Rouges, rosés, jaunes, blancs.
Les nielles feront en secret des pinces
À leur jupe étroite et les bleuets minces
Serreront leur vert corset
Avec un petit lacet.
Les lys du jardin, si nul ne les gêne,
Iront laver leur robe à la fontaine
Et le lin qui fit un vœu
Passera la sienne au bleu.
Les gueules de loup et les clématites
Monteront leur coiffe et les marguerites
Habiles repasseront
Leurs bonnets et leur col rond.
Et quand à la fin toutes seront prêtes
En robes de noce, en habits de fête,
Alors, d'un pays lointain,
Arrivera le matin.
Et saluant toute la confrérie,
Le matin pour voir la terre fleurie,
Du bout de son doigt vermeil
Rallumera le soleil.
Et pour que l'enfant, mon bel enfant sage,
Voie aussi la terre et son bel ouvrage,
II enverra le soleil
Le chercher dans son sommeil.
Viens, mon petit, viens voir, chère prunelle,
Pendant ton somme, écoute la nouvelle,
Notre jardin s'est levé...
Aujourd'hui est arrivé !
In Les Chansons et les heures © Poésie/Gallimard
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Wikipédia | Marie Noël
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INA : un entretien avec l'auteur, en date du 14/05/1959
Contribution de PPierre Kobel
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