La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
Jacques Réda
Plus de quarante ans ont passé. Tour à tour ces petites maisons où j’aurais voulu m’arrêter. J’avais tant à vous dire . Dans les jardins l’herbe était haute, et fraîche, si haute qu’elle bloquait la porte, et toujours appeler de loin, personne à la fenêtre, insister et personne, laisser des lettres, mon cher enfant, mon grand amour, ma douce mort, mon bel automne, écoutez-moi, n’ayez pas peur, je dois, je dois continuer, dépasser le tableau, les sources, quitter l’enfance, tuer l’amour, entrer dans le verger déherbé de la mort qui chante maintenant trop fort pour que je la comprenne, la soupe sonne, bientôt la corne du chasseur, la grande tête de vache, le trou qui pue, est-ce possible (yes sir), est-ce bien moi (yes sir), peut-être un ou deux morceaux de mon cœur de ma rate de ma trompe d’eustache en arrière sont restés, mais ici où je suis de tous côtés ça cloue on déménage, même le peu que tu pensais avoir encore te sera ôté, le gris, la solitude, le pire ; les lettres sont restées dans la boîte et si on les a lues pas de réponse, alors, était-ce moi qui répondais à tort et à travers croyant séduire un arbre ou une Dame ? mais qui m’avait parlé, vers qui fallait-il revenir pour se perdre quand même, dans quel giron de vent parmi ces conversions d’escadrons à fanions d’azur et d’oiseaux qui ressuscitent, encore un coup chercher refuge et s’effacer ?
In Celle qui vient à pas légers, © Fata Morgana
Internet
-
Wikipédia | Jacques Réda
-
La Pierre et le Sel | Jacques Réda, entre désastre et merveille, une contribution de Jacques Décréau
Contribution de PPierre Kobel
Commentaires