La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
Croissant de brume
Malade malade
Sur mon lit de mort toujours frais
Telle une mouche sur un fromage blanc
Je me console à l’idée que vos yeux me survivront
Qu’ils recaresseront nos animaux faméliques
Qu’ils reverront nos plages
Et que les cheveux des fillettes au fond de l’eau grise
Qui se balancent et se pavanent au passage des poissons
Charmeront comme toujours vos prunelles vinifères
Je pense en souriant à vos yeux à leurs regards sans adresse
Ni excédent de larmes
Vos yeux qui se reposent là sous mon drap comme une bouillotte ancienne
Comme une gaine
Le jour meurt épinglé sur le mur
Et moi dans mon lit
(Ne t’agite pas sur ta chaise)
Mes pieds sont des glaçons qu’aucun son ne fracassera
Mes jambes ont oublié leurs sauts dans la prairie
Seule ma bouche souffre encore et tremble
Mais qui entend les cris d’une langue platement inerte
Dehors le soleil crève le cœur de la dernière flaque d’eau
Là dans le parc où je rampais enfant
Timide comme une limace mais cambrée de ruse
Et heureuse quelquefois
Vos yeux viennent aux nouvelles
S’éternisent sur mon nez valsants inquiets
Incapables de comprendre
Déjà vos pas traînants s’éloignent sur le gravier
C’est bien
Je tomberai comme une feuille
Seule digne et sans maquillage
C’est gênant d’agoniser quand les parents veulent parler
Le râle même profond est souvent débraillé
In Rapaces, © Seghers, 1960
Internet
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Wikipédia | Joyce Mansour
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La Pierre et le Sel |Les poètes surréalistes : Joyce Mansour, une contribution de Jean Gédéon
Contribution de PPierre Kobel
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