La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
Éloge des contraires
Sur le mur l’épaisseur du lierre presque noir
et le fil de cristal de la toile d’araignée
brillant dans la clarté qui tremble dans le vent
Le merle couleur nuit qui saute à petits bonds
dans le blond du soleil couleur de jeune avril
Le tout petit enfant la très petite main
dans la profonde paume du vieil homme à pas lent
L’éclair d’un fer de faux dans le soleil couchant
et la gaieté du cri de la pivoine rouge
qui me dit à mi-voix « Cueille-moi s’il te plaît »
Le train de marchandise qui traigne et gémit long
en croisant à minuit l’express Flèche d’éclair
L’alouette du couchant qui parle à sa nichée
le silence du jour en train de s’effacer
et la dernière braise qui s’éteint et se tait
La respiration du jour qui va renaître
et les commencements de la vie à tâtons
L’absent aux yeux fermés dont le cœur bat encore
mais qui sent s’éloigner la souffrance et sa vie
(une petite fille a ri dans le jardin)
Les corps des deux amants renoués à l’aurore
dans l’extrême douceur de leur demi-sommeil
les yeux à demi clos au long cours du plaisir
approuvent pleinement le matin qui se lève
dans le clair et le vif de la vivante vie
qui oublie un instant l’heure le temps la fin
et qu’il est plus tard que tu ne crois
constamment
In Poèmes à pas de loup – 1992-1996, © Gallimard, 1997
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Wikipédia | Claude Roy
Contribution de PPierre Kobel
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