Un jour, un texte : Eduardo Guerra Carneiro | La barbe

La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne

Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.

Eduardo Guerra Carneiro

La barbe

Ma barbe est mon chat. Je la caresse
comme l’on passe les doigts
sur l’échine d’un matou. Je sais
que je touche un tigre : la barbe
se hérisse, se rebiffe même.
Vagues, champs de maïs, moissons
connaissent aussi semblable caresse.
Mais ce chat rebelle, qui n’est que
ma barbe, est désormais tout ce qui me retient.
Déjà des maîtres me représentent l’excès
qu’il y a à vivre ainsi tourné vers le dedans.
Mais non ! C’est vers l’extérieur ! La barbe habite
d’autres époques, d’autres espaces. C’est elle
qui me caresse : tendresse ultime.

In La poésie du Portugal des origines au XXe siècle, © Chandeigne, 2021
Traduction par Max de Carvalho

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Contribution de PPierre Kobel