La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. »
Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
Ne restons pas à genoux
nous avons bras et bouche à ouvrir
paupières à hisser
c’est sûr il faut qu’on carpe diem
il faut qu’on cueille le jour avec nos petites mains de jardiniers hors-sol avant que nos phalanges ne rouillent d’inertie
carpe diem si doucement entre le pouce et l’index
avec nos doigts usés d’écrans
afin qu’ils retrouvent leurs empreintes
carpe diem comme on saisit sa chance comme on attrape le dernier bus et qu’on soupire parce que c’est si bon un peu de chauffage au cœur de l’hiver
carpe diem comme on aspire un pissenlit bouche grande ouverte parce qu’on voudrait plus de constellations dans nos poumons
Il faut qu’on carpe diem pour la lumière sur les lavandes pour les montagnes fières les paroles rares et les balbutiements de 24 mois
pour la sauce du kebab qui coule sur nos doigts
et la vieille assise sur son banc qui invite le soleil dans ses cheveux blancs
il faut qu’on cueille ce qui nous passe sous les pupilles qu’on cueille comme on embrasse avec les lèvres les cils toute la peau et tout le sexe à grandes brassées pour arrêter un peu le ciel la montre le RER et tous les lévriers afghans qui ont perdu leur flair à force de galoper comme des acharnés
carpe diem il le faut
à la santé des oiseaux des roses de Damas des allumeurs de réverbères
il faut carpe diem ses cascades de rires son souffle sur la peau des seins ses parfums d’Italie ses olives noires sur les quatre saisons et ses arpèges clairs comme un jour de printemps
il est temps
carpe diem
s’il le faut
à en mourir
In Comme un courant d’air, © Polder, 2022
Internet
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Décharge | Voix nouvelle : Hélène Miguet
Contribution de PPierre Kobel
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