La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. »
Montaigne
Un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
les pédales rouillées du temps
comme il est bon de sortir par une soirée de juin
de se jeter de l’immeuble dans le ventre chaud de la cour
de se dévider dans la rue comme une chanson
tout se répète
comme la belle récolte des tomates en été chez grand-mère
comme l’orage de juin qui gronde sans jamais me faire peur
comme le soleil qui chaque jour se lève à l’est, immortel et stérile
comme il est bon que chaque année l’été s’épanouisse
que l’on puisse se promener en vélo à travers ses parfums
et plonger prudemment dans l’ombre de la forêt
même si tout est confus comme des notes d’étudiant
même si l’essentiel est caché en coulisses
s’il est une vérité, elle est enfouie sous les aiguilles de pin
elle scintille dans le lac telle une lune pâle
elle se cache dans les veines des feuilles,
dans le sein impudique et tendre d’un iris, au chaud de son entrejambe
tu pointes sur l’horizon comme une aube de verre
ou l’étendue bleue du lac au bout du sentier forestier
comme il est bon de se ruer vers toi à travers les pages du calendrier
le temps prend tout sans rendre la monnaie
les pédales rouillées du temps ne tournent qu’en avant
j’appuie de tout mon poids, mon vélo grince
tu ouvres les rideaux, tout s’éclaire alentour
tout se répète : roue après roue
In Au cœur de la maison, © Bruno Doucey, 2023 – Traduction de l’ukrainien par l’autrice et Bruno Doucey
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Éditions Bruno Doucey | Au cœur de la maison
Contribution de PPierre Kobel
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