La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. »
Montaigne
Un texte pour dire la poésie,
voyager dans les mots, écrire les espaces,
dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente.
Pour se laisser ravir et ravager.
Marie Pavlenko
Le soleil disparaît
derrière la longue crête
un large drap de nuit
se dépose fine dentelle
sur la cime des chênes
le froid sort sa tête hirsute de sous la terre
sinue entre les arbres
lent agile sournois
il laisse derrière lui
des traînées de bleu grave
des verts multicolores
qui auront fui là-bas
le ciel est encore clair
mais il s’éloigne vite
et la vallée soupire
la montagne se perd
dans le creux de ses plis
les arbres craquent en chœur
le ruisseau pose un doigt
sur sa bouche d’écume
le grand silence claironne
son arrivée de nuit
ferme la porte les volets
voici l’heure des museaux
des gueules affamées
des ailes invisibles et des yeux d’émeraude
l’heure où la mince peau seule ne suffit plus
il faut des plumes des poils
des sentiers bien cachés
des terriers des entrées
des troncs sombres percés
et cette liberté
plus précieuse que tout
In La main rivière, © Bruno Doucey, 2024
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Contribution de PPierre Kobel