La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. »
Montaigne
Un texte pour dire la poésie,
voyager dans les mots, écrire les espaces,
dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente.
Pour se laisser ravir et ravager.
Ce mois de mai 2025, les éditions Bruno Doucey fêtent leurs 15 ans d’existence. Une longue aventure que j’ai partagée depuis ses débuts par l’amitié et des collaborations. C’est l’occasion durant quelques jours de célébrer cet anniversaire en mettant le projecteur sur les livres et les auteur(e)s de cette maison, emblématique de l’engagement et de la vitalité de la poésie la plus contemporaine, de l’ouverture au monde et du souci de le préserver contre les rapaces et les destructions de toutes sortes.
Jeanine Baude
Je te regarde : allongée, fatiguée, ravagée, toi, l’oublieuse,
la ténébreuse, toi.
Je te regarde. Je suis à tes côtés.
Je fais le chemin avec toi. Je te parle d’elles, de nous,
de ce fleuve premier qui me conduit vers tes poèmes.
De cet écart entre toi et toi.
Toi, solaire
Toi, séductrice
Toi, guerrière
J’ouvre ton livre de vie et ton livre de mots. Je ne peux
m’empêcher de trembler.
Je ne pleure pas. Je parcours.
De toi à moi, ma raison d’exister
De toi à moi, ma raison de chuter
De toi à moi, ma raison d’aimer
De toi à moi, ma raison de tuer
De toi à moi, ma raison d’ajouter une fleur au poème dernier
Une parole à la comète
Une dérive à la tempête
Offrant un seuil à la possibilité du souffle
Une rive à l’écluse
De l’eau à l’océan
In Juste une pierre noire, © Bruno Doucey, 2010
***
James Noël
Texte à ma terre (Textamentaire)
Délivre-moi ma terre
de la rouille des amitiés de circonstance
des rencontres polluantes
petits cercles qui tournent en rond
en ateliers de mauvaises langues
délivre-moi ma terre
de ces gens-là
qui marchent par reptation
et qui effraient les serpents à sonnette
les tricots rayés
les boas les cobras
ma terre délivre-moi
des trous noirs de la rue
et des égouts d’un ciel trop prompt
à sécréter sur tes ruines
la blanche poussière du désert
In Des poings chauffés à blanc, © Bruno Doucey, 2010
Contribution de PPierre Kobel
Commentaires