Née en 1966 dans le Val de Marne c'est à Charenton le Pont, où elle vécut vingt-cinq ans, qu'elle a passé le temps de l'enfance et de la naissance de l'écriture. Laurence Bouvet a écrit de la poésie dès l'adolescence. Quand il lui a fallu trouver une voie professionnelle, elle a hésité entre la philosophie et la psychologie. Ayant choisi cette dernière voie, elle est aujourd'hui psychothérapeute et psychanalyste.
La poésie est restée cependant au cœur de son expression créatrice. Avec Unité 14, c'et le troisième recueil qui paraît sous son nom. En 2007 est paru Melancholia si aux éditions Hélices, un recueil premier mais aussi l'aboutissement d'une première phase d'écriture. « La fin d'un processus » nous dit Laurence Bouvet dans un entretien. En 2009 avec Traversée obligatoire, elle tente de montrer que le sens n'est que le fruit d'une quête et pas une construction préétablie.
Ne plaise (extraits)
Vous dites
Qu'à l'affût du moindre
Entre la borne et le fossé
Ce silence d'après la neige
N'est pas un feint détour
Et vous revenez sur vos pas
Les mains pleines de terre
De cet autre… de son visage
À vous désaltérer du peu
D'une herbe folle sous la langue
in Traversée obligatoire, © L'Harmattan, 2009, p.31
Michel Ostertag écrit : « Laurence Bouvet nous offre une poésie intelligente, recherchée et subtile. Elle est l’élément fort de cette nouvelle génération de poètes avec laquelle nous pouvons fonder de belles espérances.
Ici, point de discours à l’infini, ni verbiage, ni démultiplication d’une image ou d’une idée. Chaque mot porte en lui suffisamment de force poétique pour étayer le sentiment recherché. La phrase courte se suffit à elle-même, point n’est besoin d’en rajouter pour se laisser guider dans son univers personnel. »
Laurence Bouvet dit elle-même : « Ce que je sais seulement, ce que l’écriture m’a enseigné, c’est qu’elle est une recherche, un chemin et peut-être une quête d’absolu qui s’apparente à celle de la vérité avec une question sous-jacente et qui taraude sans cesse l’écrivante que je suis : que peuvent atteindre les mots des raisons qui me font être « humaine » et celles de ma présence au monde ? »
Prix Arthur Rimbaud 2005 de la Société des poètes français, Laurence Bouvet a publié dans plusieurs revues : Les Cahiers du Sens, Comme en poésie, Vivre en poésie, Le Capital des mots, Le Chaînon poétique.
Elle est membre de l'association Hélices poésie et du Club Poésie de Champigny sur Marne.
Unité 14
Unité ainsi que sont nommées les différentes sections d'un hôpital psychiatrique, univers que Laurence Bouvet connaît bien du fait de son parcours professionnel.
Mais rien de descriptif dans ces pages. Unité 14 est un cri de révolte, à la première personne, contre l'enfermement que subit Camille Claudel de 1913 à 1943. On rappellera que cet enfermement fut le fait de sa famille, dont son frère l'honorable Paul Claudel, qui ne voulait plus voir les dérèglements psychiques de l'artiste Camille. Elle mourra, comme tant d'autres malades, des privations consécutives à la guerre et à l'occupation allemande.
Unité 14 est né de la colère contre cette situation d'enfermement. À partir de cette colère Laurence Bouvet déroule le fil des paroles de l'artiste, se mettant à sa place. Elle inscrit ce que fut sa douleur et le cri qui l'accompagne :
Vois Clotho ! Vois cette femme muette !
Elle convoque le temps où vous n’êtes plus
Où je serais à votre place dans le désir
Accompli
Entrebâillement de coquillage sur leurs lèvres
Une mèche à votre tempe ce rempart mais nul
Ne saurait surseoir au dérèglement des sens
Une fois un…1
Une fois deux…2
Une fois trois…3
in Unité 14, p.52
Livre le plus abouti de Laurence Bouvet Unité 14 forme un tout cohérent pour lequel l'auteur, qui a la passion des mots, a construit une langue. Un livre divisé en 14 parties qui sont autant d'approches de l'expérience intime vécue et transposée de la réalité et de sa perte. « La douleur revêt parfois des formes insoupçonnées et subtiles dans un temps pâle et sans intention. Nul être sensé ne l'approche sans frémir. La parole n'est pas pour elle cette source venue de plus loin que de l'instant. » est-il écrit en quatrième de couverture.
Femme sans écriture sans mémoire
Vous penchez ce qu’il faut de nerfs
Vers les voleurs de souvenirs et versez
Aux jours filants vos heures cathédrales
Sous cet air de marbre blanc votre cri
Est une clé dans un trousseau cri-douleur
Cri à la criée votre cri d’orfraie brisant
Vos os de dépouille en sursis votre cri
Comme une craie usée contre un tableau noir
Femme sans écriture sans mémoire
D’autres ont pour opium les guerres
Leurres pacotilles et autres troubles
Où vous n’êtes que segment contour
Ligne de fuite dans le
Dénuement des aubes
Dites-leur entre nous entre
Deux éclats de voix
Entre deux éclats de vous entre deux
Séismes deux éclairs dites-leur
De ce rire fou de ce rire (là !
Dites pouce ! Et donnez votre langue
Au chat qui ne vous la rendra pas (bis)
Dites-leur d'entre les ruines dites pouce !
Femme-sangle dites
Femme sans écriture sans mémoire
La folie fait un tour de manège
Dans le noir [où] votre démarche
Métronome en étrangère se fond
Les murs d’ici sont de vieux sages à barbe
Blanche
Saviez-vous que d’autres avant vous ?
Leurs secrets bien gardés ou l’absence
De secrets
Et ces corps défaits de tant de cruauté
Figurants prédestinés et tous ces visages
Toutes ces odeurs ces vins ces ferments
Et vos seins qui n’ont rien vécu !
La valeur - du je – ne tient qu'à ce débord
Épaule déjetée pour éloignement au seuil
De la cage vous êtes ces pieds ces clés ces
Bras ces mains ces bouches vous
Êtes ces ventres en procession dans le
Franchissement de la durée
Vous êtes le bruit de tout ce qui meurt
Femme sans écriture sans mémoire
Le mouvement sera ce lieu à atteindre
D’où viendra votre salut [les liens se
Dénouent entre deux abreuvoirs] la folie
Accomplie est morsure puis se tait sur
Le toit de la maison vous chantiez pourtant
Haldol Baby… En boucle sur toutes les ondes
in Unité 14, © L'Harmattan, 2009, p.35
Lectrice de Bonnefoy, Char, Cadou, Mallarmé, Artaud et Michaux, Laurence Bouvet a une écriture qui ne cesse de progresser et de se construire. La quête qu'elle représente pour elle mêle recherche d'absolu et lucidité. Aux questions qu'elle se pose, les réponses poétiques qu'elle tente d'apporter sont autant d'interpellations aux lecteurs que nous sommes.
Bibliographie
- Spiritualités (avec Rosemay Nivard et Pierre Maréchaux) © Le Vert-Galant, 2006
- Melancholia si © Hélices poésie 2007
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Traversée obligatoire © L'Harmattan, 2009
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Unité 14 Aux éditions L'Harmattan, 2010
Internet
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Sur Wikipedia
- Page Pknet
- Page Hélices poésie
PPierre Kobel
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