Le Désert de Retz est un lieu de promenade magnifique mais, plus encore, un lieu de retraite et de méditation. Ce domaine, situé sur la commune de Chambourcy, dans les Yvelines, doit sa notoriété à celui qui l'acheta et l'aménagea au XVIIIème siècle, François Nicolas Henri Racine de Monville. Grand seigneur dont la richesse importante lui permit d'allier ses goûts multiples et sûrs à des réalisations de la plus haute qualité. Il fit du Désert de Retz un lieu exceptionnel, y faisant construire des « fabriques » c'est à dire des pavillons d'agrément à la symbolique proche des idées de l'Encyclopédie et de la franc-maçonnerie et y faisant planter de nombreuses essences d'arbres rares et exceptionnels pour certains.
Après une histoire mouvementée au fil des décennies, le domaine qui fut jusqu'à être menacé de la construction d'un circuit automobile, est aujourd'hui protégé et en voie d'une réhabilitation respectueuse des intentions initiales de son inventeur. Il est possible de le visiter dans le cadre d'ouvertures horaires programmées.
La Pierre et le Sel présente trois textes contemporains en regard de photos du lieu.
Andrée Chedid
En ce monde
Où la vie
Se disloque
Ou s'assemble
Sans répit
Le poète
Enlace le mystère
Invente le poème
Ses pouvoirs de partage
Sa lueur sous les replis.
In Épreuves du vivant, © Flammarion, 1983
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Guillevic
Pyramide
Il me semble que j'imite
Et pourtant je cherche qui.
J'ai vu le sable et le vent
Essayer de faire un corps.
J'ai vu l'eau se soulever
Mais le plan est fait pour elle.
J'ai vu durer les rochers
Plus informes que le ciel.
Moi j'ai la stabilité,
J'ai la force dans ma base,
La patience dans mes faces
Et l'esprit dans mon sommet.
J'ai de coupantes arrêtes,
Je suis on ne peut plus nette.
Et puis qui n'imite pas,
Qui n'est pas un peu pareil
À tout cela qu'il n'est pas,
Qui ne lui ressemble pas ?
Nous, figures, nous n'avons
Après tout qu'un vrai mérite,
C'est de simplifier le monde,
D'être un rêve qu'il se donne.
In Euclidiennes, © Gallimard, 1967
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Jean Grosjean
Désert à l'essai
Il s'en est éloigné des villages. Vers le soir il a atteint le désert, il s'y est enfoncé. Il s'est livré au mutisme de l'espace. Il n'a guère dormi. Les constellations tournaient lentes. Puis toutes les veilleuses du ciel se sont éteintes dans la pâleur de l'aube.
Adossé à une pierre froide il a regardé naître la lumière. Il a senti monter une tiédeur, puis sourdement la fièvre. Ne pas manger.
La chaleur qui gagne. Les yeux offensés par l'éclat du jour. Il faut des creux d'ombre pour survivre, et changer de place suivant l'heure.
Jusqu'à ce que le soleil se fiche vibrant comme une flèche dans le zénith. L'azur blessé à mort. Le chaos du sol prêt à tomber dans le puits d'en haut et l'âme dans l'inconscience.
Que d'instants à l'attache. Mais rien de changeant comme eux. Le scorpion sous la roche. Un souffle avec ses pieds de poussière ou une lapidation de sable.
Et le soleil lassé lui-même. Désarmée de rayons sa braise encore en suspens, puis tombée d'un coup.
Alors la nuit de nouveau avec sa froidure sous un ciel de pierreries tremblantes et le sillage des météorites.
L'insomnie jusqu'au petit matin, jusqu'à l'abîme d'un sommeil sans rêve et ne revenir à soi qu'au plein jour.
Devant moi l'étendue de l'avenir. Derrière moi infranchissables les parois du passé. Fermer les yeux. T'attendre.
Le silence. Ou presque. Ton pas est pourtant léger.
In Cantilènes, © Gallimard, 1998
Si le ce dernier texte se réfère évidemment au désert dans son acception première, on y trouve des échos à ce que fut la vocation du Désert de Retz, jardin propice à une pensée qui s'élève, lieu fécond de l'universel.
Ill. photos PPierre Kobel
Internet
- Un article Wikipedia
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Le site de la ville de Chambourcy
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Sur le site Parcs à Fabriques
Contribution de PPierre Kobel
Merci de nous parler d'un lieu, pour moi inconnu, et pourtant si proche géographiquement, et de l'éclairer, comme des rayons de soleil à travers les arbres, par ces si beaux poèmes et texte poétique.
Rédigé par : marie-christiane moreau | 17 mai 2012 à 20:13