Anselm Kiefer est un artiste allemand né en 1945. Son œuvre, souvent monumentale, toute de déconstruction-dénonciation est profondément empreinte de l'histoire contemporaine. Kiefer est également un lecteur de poésie et particulièrement de Paul Celan.
Fugue de mort
Lait noir de l’aube nous le buvons le soir
le buvons à midi et le matin nous le buvons la nuit
nous buvons et buvons
nous creusons dans le ciel une tombe où l’on n’est pas serré
Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit
il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d’or
écrit ces mots s’avance sur le seuil et les étoiles tressaillent il siffle ses grands chiens
il siffle il fait sortir ses juifs et creuser dans la terre une tombe
il nous commande allons jouer pour qu’on danse
Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
te buvons le matin puis à midi nous te buvons le soir
nous buvons et buvons
Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit
il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d’or
Tes cheveux cendre Sulamith nous creusons dans le ciel une tombe où l’on n’est pas serré
Il crie enfoncez plus vos bêches dans la terre vous autres et vous chantez jouez
il attrape le fer à sa ceinture il le brandit ses yeux sont bleus
enfoncez plus les bêches vous autres et vous jouez encore pour qu’on danse
Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
et le matin nous te buvons le soir
nous buvons et buvons
un homme habite la maison Margarete tes cheveux d’or
tes cheveux cendre Sulamith il joue avec les serpents
Il crie jouez plus douce la mort la mort est un maître d’Allemagne
il crie plus sombres les archets et votre fumée montera vers le ciel
vous aurez une tombe alors dans les nuages où l’on n’est pas serré
Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
te buvons à midi la mort est un maître d’Allemagne
nous te buvons le soir et le matin nous buvons et buvons
la mort est un maître d’Allemagne son œil est bleu
il t’atteint d’une balle de plomb il ne te manque pas
un homme habite la maison Margarete
il lance ses grands chiens sur nous il nous offre une tombe dans le ciel
il joue avec les serpents et rêve la mort est un maître d’Allemagne
tes cheveux d’or Margarete
tes cheveux cendre Sulamith
Paul Celan in Mémoire et pavot, Choix de poèmes, p.53 et suiv. – © Gallimard, 1998
En 2007 Anselm Kiefer a été le premier artiste invité de la manifestation Monumenta. La très importante installation qu'il présenta à cette occasion, Sternenfall, Chute d'étoiles, tentait de prouver que les bourreaux n'ont pas gagné.
Les passerelles entre son travail et les poètes sont toujours présentes. Ainsi ce texte de Marc Delouze.
Salut à Anselm Kiefer
désert
à hauteur de fennec
le regard se fissure
désert
en nous le plâtre de l'oubli
des morts sans sépulture
désert
l'argile rêche de la rétine
nous n'avons pas assez pleuré
désert
en toute trace est un vertige
où nos pas perdent pied
désert
le regard une terre oubliée
où les mots s'évaporent
Marc Delouze in 14.975 jours entre © La passe du Vent 2012, p.61
14975 c'est le nombre de jours entre la parution du premier recueil de Marc Delouze, Souvenirs de la Maison des Mots, et son dernier recueil, Poésies en phase terminale. L'ouvrage regroupe ces deux recueils.
Marc Delouze a créé en 1982 l'association Les Parvis poétiques. Il est aussi un des fondateurs du festival de Lodève et en est toujours un animateur.
Bibliographie partielle
à propos de Anselm Kiefer
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Daniel Arasse, Ansel Kiefer, © éditions du regard, 2007
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Andrea Lauterwein, Anselm Kiefer et la poésie de Paul Celan, © éditions du regard, 2006
Marc Delouze
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T’es beaucoup à te croire tout seul, poème, © La passe du vent, 2000
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La Diagonale des poètes, essai, © La passe du vent, 2002
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L’homme qui fermait les yeux sans baisser les paupières, récit, © Le bruit des autres, 2002
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Épouvantails, poèmes, © Lanore-littérature, 2002
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rue des martyrs, récit, © Le bruit des autres, 2003
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Dames de chœur, récit, © Le bruit des autres, 2004
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Des poètes aux Parvis, anthologie, © La passe du vent, 2007
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Yeou, Piéton des Terres, poème, © La passe du vent, 2007
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C’est le monde qui parle, récit, © Verdier, 2007
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14975 jours entre – Poésies en phase terminale (2011) et Souvenirs de la maison des mots (1971), poèmes, © La passe du vent, 2011
Internet
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Sur Dailymotion, Anselm Kiefer au musée Würth (Erstein) en 2011
Contribution de PPierre Kobel
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