Voilà
une écriture difficile où plutôt une écriture mise en difficulté
par la langue. C’est bien là le sujet d’une écriture poétique,
mettre la langue à l’épreuve, l’éprouver dans ses axes les
moins équilibrants. Caroline Sagot-Duvauroux trompe le français,
ils vont coucher ailleurs, sorti du commun, dans les talus du sens.
Ici partout ça s’évade, partout dépasse les bords du connu conçu
considéré comme juste par le dico. Foutre du mot avec l’étiquette
« vrai sens » planté sur l’article. Ici ça
transgresse, on s’accroche aux bouées que t’as. Pour lire
Caroline Sagot-Duvauroux il faut avoir un peu lu avant ou alors
presque pas, nu de projet et commencer par apprendre avec ça.
Apprendre quelque-chose qui n’est pas « lire » mais une
relation des mots entre eux : son / sens / avec et sans eux dans
le même panier. Caroline Sagot-Duvauroux fait du texte. Ô lecteur !
Merci d’être créateur de mon texte, moi qui sais si peu de lui …
au premier mot, déperdition du sens immédiat ; après
quelques paliers de dépressurisations tu arrives à maintenir une
apnée fragile. En surface tu t’organises un radeau de fortune sur
l’aire du texte chamboulé. Les sirènes ont gagnés. Ecoute !
C’est à toi lecteur de construire ton radeau, ta barcasse, mais ne
compte pas tirer des bords vers un mouillage abordable. Cette langue
n’est pas faite pour la croisière (on trouve ça chez la plus part
des auteurs aimables d’aujourd’hui…) Ici ça bouge sous les
pieds et il faut s’attacher aux matières verbales.
Distance d’un point variable. Anbandeln (verbinden). Séduire par lancer de bandelettes banderilles. Draguer (quelle horreur) arracher le sol avec un toi quelconque. Absence : quand la distance dépasse nos sens. Le nommé est absent. L’innommé ne peut l’être. Un mot toujours levé d’une absence en est toujours dépassé. L’absence de lui clôt le mot. Peut-être plus bruyante que lui, galop de ahanements, lalalies etc. jusqu’au mot qui est déjà tombé quand on le lit, qui se tait pour toujours sous la férule du sens, protégé du bruit par le trait mordant des lèvres de papier.
In Köszönöm, © José Corti, 2005, p.60
Peut-on, l’empreinte creuse, se faire terreau dans quoi l’empreinte creuse ? Peut-on soulever jusqu’au sol, le fond, de son hoyau de main, après qu’a passé le printemps ? Peut-on après le mot, poser sérieusement de quoi le mot s’extrait ? Peut-on par l’abondance rendre à la plaine sa virginité ? Peut-on, tant parcourant la plaine, lui rendre ses devants d’un autre gris c’est tout puisque le regard a passé partout. Puis-je devenir où le sarcle a tranché déjà ? Puis-je devenir ce qu’a déjà froissé le sabot ? Peut-on dire mon amour je serai ce que tu as déjà pris ? Et sinon quoi ? Pourquoi se souvenir si ne pas révéler le fond sur quoi le heurt se prit au jeu. Sous le revoir de l’animal se perpétue le sol des forêts.
Idem, p.71
Internet
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Bio – biblio sur Sitaudis
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Dans La Pierre et le Sel : Caroline Sagot Duvauroux - Le récit d’il neige
Contribution de Patrice Cazelle
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