Publié en 2010 par les éditions Rhubarbe, cet ouvrage est une autobiographie de Jacques Morin, autrement dit, Jacmo, pseudonyme, appellation familière, et « tout à la fois un surnom, un diminutif, un sobriquet, une façon simplifiée de signer des critiques et un reflet un peu ridicule qui permet de maintenir la distance et de ne pas se prendre au sérieux (p.50) »
L’ouvrage se présente sous forme d’un simili dictionnaire égrenant de A à Z chacun des parcours de vie du banlieusard Jacmo, originaire de la région parisienne, émigré par la suite à Egleny, petit village tranquille de l’Yonne épargné, pour l’instant, par les pollueurs.
Tout au long du livre, cet homme timide, selon certains, mais aux idées fermes, nous livre, mine de rien dans cette autobiographie ses réactions, face à une société que la doctrine néo-libérale de consommations tous azimuts nous impose, toutes politiques confondues, depuis un certain nombre de décennies, et ses convictions bien arrêtées antimilitaristes et antireligieuses.
Sur le plan littéraire, il s’est également battu très fermement pour combattre l’édition à compte d’auteur, considérant que cette pratique est une arnaque déguisée, destinée à soutirer sans contrepartie de l’argent aux jeunes auteurs. « C’est pour un jeune poète la maladie infantile. S’il ne connaît les usages et n’est pas suffisamment informé, il peut céder au chant de sirènes douteuses. (p.30).
Il est aussi très virulent vis-à-vis de ceux qui se promènent en brandissant une pancarte virtuelle avec, inscrit dessus en lettres énormes, le mot POÈTE. « Je hais les poètes, écrit-il, ceux qui se prennent pour des poètes. Qui parlentd’eux comme de poètes. Qui se sont mis une bonne fois pour toutes dans la peau du poète…/… Ce sont les pires messagers pour enterrer le concept. Je hais les poètes. Ils ne méritent que la consternation qu’ils m’inspirent (p.76/77) »
Cela dit, Jacques Morin, qui n’a aucune prétention personnelle en la matière est lui-même un poète authentique, avec une œuvre importante d’une vingtaine de recueils, depuis 1974, date de publication de Le hibou assiège la nuit publié par le Crayon noir, jusqu’en 2007, où est paru Une fleur noire à la boutonnière, anthologie personnelle publiée par l’idée bleue.
Il y a, cependant fort à parier que cette œuvre aurait pu encore être plus étoffée sans le temps qu’il consacre à son activité de revuiste, tâche à la fois exaltante dans sa partie littéraire, mais plus terre à terre dans son volet matériel, que J. Morin nomme « la partie corvées, sans le moindre prestige, par lesquelles il faut bien passer pour que la revue existe et soit distribuée. Le plus petit découragement bloque tout. La paresse est inenvisageable. (p. 89) »
Cette revue, intitulée Décharge, etcréée en 1981, adresse chaque trimestre avec régularité ses 148 pages à son lot d’abonnés, et leur livre chaque fois des dossiers sur des auteurs phares, un choix de poètes affirmés ou prometteurs, et de nombreuses chroniques et notes de lecture signées, entre autres, Alain Kewes et Jacmo. Et comme l’indiquait celui-ci dans l’article consacré à la revue (p.25), « Décharge aperçoit le tout prochain numéro 150, inaccessible, il n’y a pas si longtemps… » eh bien, on peut applaudir et encourager, car le prochain numéro de fin 2013 sera le cent soixantième, suivi, espérons-le par beaucoup d’autres, Décharge étant devenu, avec le temps, une des revues phare de poésie contemporaine.
Alain Kewes, collaborateur précieux de la revue depuis une quinzaine d’années, est, par ailleurs, éditeur des éditions Rhubarbe, et Claude Vercey, autre membre de la troïka, embarqué dans le navire pratiquement au début de l’aventure, donne également ses précieux conseils sur la marche de la revue, et dirige de main de maître le blog internet de Décharge qui publie, entre autres, les articles qui n’ont pas pu prendre place dans la revue papier ( p. 52 et 104)
Très longtemps, à la revue était intégré une collection de petits recueils intitulée Polder, de format 10/15, qui a, depuis quelques années pris son autonomie, et qui est publiée, en collaboration avec les éditions Gros Textes d’Yves Artufel, après accord d’un comité de sélection (p.79)
La poésie de A à Z, consacre, enfin, ses 90 dernières pages à une mini anthologie personnelle consacrée à 33 auteurs contemporains que J. Morin aime bien et qui ont été en leur temps publiés, soit dans Décharge, soit dans la collection Polder.
Internet
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Un article mediapart sur la revue
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Sur Poezibao un article d’Alain Helissen pour le n° 150 de la revue
Contribution de Jean Gédéon
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