Un passager du silence
Né à Beyrouth de père libanais et de mère italienne, grand amateur d’art qui a dirigé la Galerie de France avant de créer sa propre galerie, Marwan Hoss est aussi un poète. Il vient de publier, aux éditions Arfuyen, « La Lumière du soir ». Le livre s’ouvre sur l’évocation presque paradisiaque d’un souvenir d’enfance ou d’adolescence :
C’était l’aube
Les bédouins sortaient de leurs tentes noires
Les alouettes vrillaient sur le sable rose
Les chiens aboyaient
Tandis qu’une frêle gerboise
Scrutait les alentours escarpés
C’était un jour de septembre
Il faisait froid, j’étais heureux.
Rares sont les textes qui expriment la présence au monde, dans ce qu’elle a d’éphémère et en même temps d’absolu, avec une telle simplicité. La perception coïncide avec la conscience, dans une sorte de pureté originelle, une transparence. C’est comme un moment de grâce. Puis viendra l’exil, ce sentiment d’avoir été chassé, de devoir affronter la pérégrination, l’usure du temps, les déchirures. Le monde s’est voilé. Il n’est plus saisi dans son unité mais dans ses divisions. Il y a le jour et la nuit, le bonheur et le malheur, la présence et l’absence. Il faudra trouver des mots pour exprimer :
L’amour, quelques joies
La beauté, un corps
Ce que j’appelle le vent
Écrire l’inquiétude, le désarroi
L’urgence, la solitude
Les restes d’une vie
Ce que j’appelle la mort.
Presque rien. Quelques mots seulement qui s’envolent dans l’espace de la page blanche pour dire une présence fragile, menacée. Car ce poète est un passager du silence. Il traverse le silence. Il est traversé par le silence. Dans sa poésie, le silence chuchote. À nous de savoir l’écouter. Ce sont souvent des mots d’amour, malgré l’absence qui rôde, surtout la nuit :
Ce soir j’ai décidé
De photographier ton absence.
Tristesse, joie éphémère, la résignation avec parfois des accents guerriers : le combat nu d’un homme avec sa propre vie.
Bibliographie partielle
Marwan Hoss a notamment publié :
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Le Tireur isolé, © GLM, 1971
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Messine où je passe, © Fata Morgana, 1980
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Le Retour de la neige, © Arfuyen, 1982
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Absente retrouvée, © Arfuyen, 1991
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Déchirures, © Arfuyen, 2003
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La lumière du soir, © Arfuyen, 2014
Contribution de Alain Roussel
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