Pour Françoise Metz
Ce sont des toiles filées : elles relient. Le poète à ses livres, le fil au destin.
En 1996, aux éditions Jacques Brémond, Thierry Metz publia un recueil imprimé« sur des papiers grisés du Moulin de Saint-Nabord dans les Vosges, sous une couverture de seigle pauvre du Moulin de Pombié en Dordogne ». Un millier d’exemplaires avec « sur la couverture une réalisation originale de Denis Castaing en toile de lin filé ».
Deux exemplaires de De l’un à l’autre
Créations en toile de lin filé de Denis Castain
Entre le seigle et la toile, la vie passe. Thierry Metz avait aimé les figures, cercles et carrés, que Denis Castaing représentait « non loin d’un mimosa, sous les racines », œuvrant avec « drap », « toile », « ficelle ». Matériaux pauvres et détachés autant que liés à leur apparence, devenus la matière du livre De l’un à l’autre :
« Le chemin
mais lequel pas un homme
pas un arbre
seulement le damier
le carrelage
un bout de cordeau resté dans ma poche. »
Trame nommée dans le texte, le poète imagine ce qu’elle voile ou révèle :
« et seul est visible ce qui ne s’entend pas. »
Le poème lu tel un passage où « le fil n’est pas rompu ». Rêve d’un geste de couture rassemblant les fragments (tout ce qui est séparé pourrait-il se rejoindre ?).
Je lis Thierry Metz et je choisis, parmi les vivants, qu’il sera le fil du jour où revenir tisser toujours.
« Être là peut-être
sans être vu
simplement ça
ces filets tendus
ces petits muscles
comme un récit d’oiseaux
ou de pêcheur
que seul un trou noir
peut faire deviner. »
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« Quatre routes
mais une seule pour aller cueillir
le jasmin
puis retrouver le coquillage
et le conte
mais pour l’instant
seuls mes pas sont en moi. »
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« Le peintre est souvent un merle
le nid est introuvable
ou brisé
mais lui ne maudit pas la ficelle
ce qu’il aura trouvé
sera travaillé
peut-être
peut-être jusqu’à l’égarement. »
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« Ce pas est le mien
de lier sans attacher
l’être dont je suis la trame
la couture qu’il faut faire et défaire
ne sachant pas ce qui est commencé
ce qui est fini
sinon qu’il y a cercle
et carré. »
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« Il n’y a rien dans le cercle
rien que le cercle
seul instant de souffle
et de regard
quelque chose là
oublié par le fil
ni tête ni astre
mais un silence. »
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« Tu vas vers autre chose
presque l’invisible
un oiseau dans chaque main
cueillis dans l’arbre. »
Extraits, De l’un à l’autre - Éditions Jacques Brémond, 1996
Bibliographie
- À lire : deux numéros spéciaux (dirigés par Daniel Martinez et Isabelle Lévesque) de la revue Diérèse : Numéro 52/53 (printemps 2011) et Numéro 56 (printemps 2012)
Avec de nombreux inédits, documents, témoignages, hommages et études.
Internet
Contribution de Isabelle Lévesque
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