Risque
Tu aimais le risque.
De l’avis de certains, une enfance difficile
aurait définitivement gravé des ruisseaux taris dans les paumes de tes mains,
d’où cette tendance à briser les limites, à t’approcher de la marge, de l’abîme.
Les camions venaient d’Irlande, du Danemark, embarquer le poisson.
Tu aimais grimper en marche sur les pare-chocs arrière
et sauter quand ils prenaient de la vitesse,
faire deux ou trois pas, et te jeter à terre.
Tu prenais entre tes mains ces anciennes bombes
que l’on trouvait sur le front d’une guerre passée ;
entre les buissons on apercevait des tranchées,
pareilles à des blessures trop profondes pour guérir un jour.
Tu aimais le risque,
et j’ai réalisé que, sans risque, on ne fait rien :
ni franchir une porte, ni embarquer, ni aimer.
Le temps a passé depuis ces années
et aujourd’hui, les yeux qui prédisaient ta fin
sont ceux des chardonnerets tués par l’hiver.
In Entre-temps, donne-moi la main, traduit du basque par Kattalin Totorika, préface de Jean Portante, Le Castor Astral, 2006, p. 28 et 29
Né en 1970, au Pays basque espagnol, Kirmen Uribe est devenu une des grandes voix de la littérature basque contemporaine. Poète et romancier, écrivain engagé, il travaille en relation avec les autres arts et utilise le multimédia. Son roman Bilbao-New York-Bilbao, a contribué à sa renommée internationale et a été publié chez Gallimard.
Internet
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Site personnel, en basque, espagnol et anglais
Contribution de PPierre Kobel
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