La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Quiconque en discerne la beauté d’une vue ferme et rassise,
il ne la voit pas, non plus que la splendeur d’un éclair.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente et la colonne vertébrale qu’elle est pour aller au-delà du discours quotidien, du réel. Pour se laisser ravir et ravager.
Mon maître est le peseur de mots
Mon maître est le peseur de mots,
Il me dit : rien ne vaut la page blanche.
L’encre salit le papyrus.
Maître, c’est vrai.
Je sais que mes rouleaux seront poussière,
que mes écrits s’effaceront.
Pourtant, mon rôle est de nommer les choses,
qu’elles durent un jour ou dix mille ans.
Je nomme, donc je suis.
Les nommant, je me dis que rien n’existe
mais je crois exister.
*
Mon maître est le vanneur de vent.
Il garde les mains vides, il secoue
la poussière de ses souliers.
Jamais il ne s’arrête, en aucun lieu
ne s’établit.
Heureux les pauvres en esprit, dit-il, et :
tiens-toi prêt.
Seigneur, je l’ai toujours été.
Moi qui reste attaché
à tout, comme la chèvre à son lopin de terre,
tu sais que, pourtant, je suis prêt.
Je te suivrai quand s’ouvrira la porte.
*
Je viens d’avant le souffle du commencement.
Je n’aurai pas de fin.
Je, c’est-à-dire le
principe qui m’anime
et qui poursuivra son
voyage en me quittant.
In Journal du scribe, © Les Éperonniers
Internet
Contribution de PPierre Kobel
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