La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
Madrid
Madrid, tes offenses, ton sang,
Qui les a vus ne les oublie !
Pourquoi l’enfant a des béquilles ?
La poussière tournoie au vent…
Pourquoi brillent les réverbères ?
Qui va durer jusqu’au matin ?
Fièvre des murs et des paupières,
Les cris des sirènes, soudain !
Pourquoi ce berceau vide et triste ?
Pourquoi Carabancel existe ?
Embrasse, embrasse, ô mère tendre,
Ô toi, qui ne veux pas comprendre !
La porte ouverte mène au ciel
Et, si tu veux, crois son appel.
Mais un lambeau de linge éclaire,
Trempée de sang, la sombre terre.
Le froid des vitres dans la nuit…
À la tranchée la rue conduit.
Le tramway siffle qui s’en va,
« Adieu, adieu… n’oubliez pas ! »
Le canon dit, qui nous obsède,
« Pas d’évasion, aucune aide… »
L’aurore est inventée en vain,
Les mers ne viendront pas qui chantent,
Ni les navires, ni les trains,
Ni l’étoile d’or, apaisante.
1938
In Anthologie de la poésie russe, © Gallimard – Traduction Katia Granoff
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Contribution de PPierre Kobel
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