La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. »
Montaigne
Un texte pour dire la poésie,
voyager dans les mots, écrire les espaces,
dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente.
Pour se laisser ravir et ravager.
Aytekin Karaçoban
Pense-bête
Quand tu viendras chez moi, pense à me laisser ton adresse,
je suis si distrait, j’oublierais de te la demander !
Quand tu viendras, rapporte-moi les rues bondées
mais laisse les impasses et les voies sans issue.
Pense surtout à me rapporter des histoires,
les récits de nos nuits blanches et les vieux slogans fanés.
Rapporte-moi aussi l’accolade de Muzaffer
– il y a si longtemps que je n’ai pas vu mon ami ! –
avec le bonjour de la fille dont parlent les poèmes
de ce bohémien de l’amour.
Rapporte-moi tout ce que tu pourras,
sauf un ticket de quai pour nos adieux
– j’aurais trop peur d’être changé en pierre ! –
sauf la sale gueule de mon propriétaire
– c’était bien suffisant de la voir chaque mois ! –
Quand tu viendras, n’oublie pas 1’orchestre et les tambours,
ils battront pour nous le rappel de la joie.
Quand tu viendras, si tu longes les quais,
si la mer écume et se creuse d’abîmes, ne te retourne pas !
Ferme les yeux pour ne pas voir
les désespérés se jeter dans les vagues…
Avant d’entrer, laisse à la porte ton fardeau,
ta pudeur et les souvenirs qui t’oppressent, je te réchaufferai.
Et en partant, n’oublie pas de me laisser un peu de ton sourire !
In Par la porte entrouverte, © Domens, 2020 – Traduction du turc par l’auteur
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Contribution de PPierre Kobel
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