La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. »
Montaigne
Un texte pour dire la poésie,
voyager dans les mots, écrire les espaces,
dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente.
Pour se laisser ravir et ravager.
Arthur Scanu
Nous n’aurons pas assez d’une seule existence pour embrasser suffisamment tous les amis que nous aimons.
Demain vers midi nous les réunirons autour de cette table et nous boirons les vins de notre passé nous mangerons jusqu’à n’avoir plus faim pour oublier l’heure de nous dire au revoir. Nous aurons oublié nos disputes absurdes et les raisons de nos disputes. Personne ne voudra quitter la table immense au milieu du jardin les verres vides qui se remplissent par magie les grands éclats de rire les guirlandes accrochées entre le chêne et le tilleul les enfants qui partent se cacher à 10 9 8 7 6…
La nuit il fera chaud avec assez de vent pour que ce soit paisible. Nous oublierons que le mot « fatigue » a un jour existé. Les anges à côté des hiboux prendront des notes sur comment remplir toute une éternité. Le vent jouera à chat avec les chiens entre nos cuisses. Quelqu’un inventera un air de musique gai et ça sentira bon les repas longs le calva dans les tasses à café le fromage la vanille la tomate et la citronnelle.
Nous n’aurons pas assez d’une seule existence pour embrasser suffisamment tous les amis que nous aimons. Mais demain vers midi nous essaierons
In Second souffle, © Bruno Doucey, 2025
Internet
Contribution de PPierre Kobel
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