La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. »
Montaigne
Un texte pour dire la poésie,
voyager dans les mots, écrire les espaces,
dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente.
Pour se laisser ravir et ravager.
Ce mois de mai 2025, les éditions Bruno Doucey fêtent leurs 15 ans d’existence. Une longue aventure que j’ai partagée depuis ses débuts par l’amitié et des collaborations. C’est l’occasion durant quelques jours de célébrer cet anniversaire en mettant le projecteur sur les livres et les auteur(e)s de cette maison, emblématique de l’engagement et de la vitalité de la poésie la plus contemporaine, de l’ouverture au monde et du souci de le préserver contre les rapaces et les destructions de toutes sortes.
Ananda Devi
Un panneau disait :
Refugges are human beings
– Les réfugiés sont des êtres humains –
Dieu merci, ce panneau nous disait
Ce qu’il était si difficile de croire !
Car comment croire qu’ils sont humains
Cette horde à l’assaut
De nos forteresses
Sans doute armée, oui
Même les bébés –
Il y a peut-être des ceintures explosives
Faites juste pour eux
Minuscules, avec des bombes miniatures
Mais non moins létales
Avec de petits boutons rouges
Pour les petits doigts furibonds
Ne sont-ils pas la menace de notre siècle ?
Oui, tous tous tels qu’ils sont
Hâvres déguenillés en lambeaux en loques
Attendez qu’on les accueille
Avec toute notre grandeur d’âme
Et vous verrez comment ils nous remercient
Vous verrez ! Vous verrez !
Alors vous là-bas avec votre panneau ridicule
Vous le donneur de leçons
Vous l’auréolé de vos bontés
Voyons voir si vous leur ouvrirez vos portes
Et si l’ayant fait
Vous croirez encore en leur humanité !
In Ceux du large, © Bruno Doucey, 2017
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Jean-Marie Berthier
Élégance
Ne te retourne plus
le soleil est désormais
l’ombre de ta vie
Ne t’arrête pas
ce feu tranquille brûlerait
tes dernières forces
Ne dors que debout
pour entendre encore
l’histoire qui tremble
de n’être plus
lecture à haute voix
des cigales assoiffées de lumière
Imagine alors
le déhanchement des astres
qui peuplèrent ta vie
à l’heure bleue où la terre
se retire avec élégance
In Ne te retourne plus, © Bruno Doucey, 2017
Contribution de PPierre Kobel