La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. »
Montaigne
Un texte pour dire la poésie,
voyager dans les mots, écrire les espaces,
dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente.
Pour se laisser ravir et ravager.
Ce mois de mai 2025, les éditions Bruno Doucey fêtent leur 15 ans d’existence. Une longue aventure que j’ai partagé depuis ses débuts par l’amitié et des collaborations. C’est l’occasion durant quelques jours de célébrer cet anniversaire en mettant le projecteur sur les livres et les auteur(e)s de cette maison, emblématique de l’engagement et de la vitalité de la poésie la plus contemporaine, de l’ouverture au monde et du souci de le préserver contre les rapaces et les destructions de toutes sortes.
Déwé Gorodé
Le sablier du temps
Le sablier du temps
n’attend pas
le temps perdu
aspiré par le néant
quand l’urgence béante
frappe à la porte ouverte
d’autres agendas
en d’autres lieux
nous laissant si petites
si invisibles
en fourmis ou abeilles
ouvrières
d’un pays autre
à renaître
de ses cendres
du Régime de l’Indigénat
de l’exil et du bagne
de révolte isolée
en grande insurrection
en rébellion ouverte
de parole rebelle
en lutte armée
quand le discours se heurte
à la pointe des baïonnettes
on glisse à main armée
sur la pierre dure
des pavés coloniaux
d’un temps qui n’est plus
d’un temps révolu
par le soulèvement
du peuple en lutte
de libération nationale
In Déwé Gorodé & Imasango | Se donner le pays, © Bruno Doucey, 2016
***
Stéphane Bataillon
Un mot à inventer
pour tenter de décrire
caché dans l’interstice
Peut-être y fait-il chaud
ou larmes retenues
on y crève d’être seul
Un mot à inventer
pour ces minutes longues
à contempler le vide
Où l’on tente l’approche
osant tracer les lignes
avant de s’y noyer.
In Où nos ombres s’épousent, © Bruno Doucey, 2010
Contribution de PPierre Kobel