Le festival Voix Vives est aussi un festival de livres. On les trouve sur les stands des éditeurs. C’est place du Pouffre, nom qui faisait s’insurger le regretté Yves Rouquette qui y était né et tenait à l’appellation de la Placette qui est celle des vieux Sétois.
Les éditeurs ! Quelle drôle de tribu ! Quels oiseaux bizarres toujours en quête d’une perle rare, d’un miracle littéraire, de la pierre philosophale de la poésie ! En attendant, ils portent des cartons, ils se pendent au téléphone, ils attendent le chaland qui sourit et qui passe, ils se prennent la tête entre les délais à respecter, les imprimeurs injoignables, les auteurs à l’ouest de toute logistique, l’administration et la gestion comptable dévoreuse de temps. Quand il en reste, ils lisent les manuscrits que le facteur empile dans la boîte aux lettres.
Les lecteurs de poésie sont d’une autre espèce. Sur une manifestation comme ce festival, on peut les classer en catégories. Il y a d’abord les enthousiastes qui sauteraient au cou des auteurs quand ceux-là sont en signature. « J’ai adôôôré votre livre ! J’avais lu le précédent, je ne voulais pas rater celui-ci » On n’ose pas dire à la brave personne qu’elle se trompe d’auteur… Il y a les discrets, gens de livres qui savent ce qu’ils disent, connaisseurs pertinents du vers et des autres formes, des voies et des voix des poètes. Il y a ceux qui écrivent et qui, atteints du syndrome « Victor ego » n’attendent que de placer leurs œuvres dans l’espoir d’une publication. Il y a les passants, touche à tout, fureteurs, dix pas en avant, cinq pas en arrière, lecteurs des 4e de couv et du prix qui y est inscrit… Et tant d’autres formant une cohorte bigarrée, hétéroclite qui mêle classes sociales, classes d’âges, connaisseurs et découvreurs.
Et dans l’attente de ceux-là, il y a les livres se bousculant sur les tables qui tentent d’un coin de couverture de se faire mieux voir que le voisin, qui jalousent le petit nouveau que ses concepteurs louangent à leur détriment. Il y a les livres de fond qui n’ont rient à perdre, gardiens du temple et de sa pérennité, inscrits dans les cercles « du même auteur » comme à une assurance-vie. Il y a les inclassables, livres fantasques, venus de nulle part, bousculant les codes, provocants parfois, amusants c’est selon. Il y a les graphies des titres et des noms, les couleurs, les identités visuelles qui composent un patchwork séducteur.
Qu’on veuille bien accepter l’amitié et les valeurs partagées pour me permettre d’écrire qu’il y a aussi des recueils qui touchent au plus sensible et dont on ne sort pas facilement. Ce fut le cas hier lorsque j’ai lu le titre à paraître bientôt de mon amie Murielle Szac, Immenses sont leurs ailes, recueil qu’elle présentait dans la bienveillance protectrice du jardin du musée Paul Valéry sous l’égide amicale de Micheline Simon.
Ainsi va la vie de la poésie et de ses acteurs au fil des jours, des lieux et des livres qui impriment nos cœurs et nos esprits. Mémoire et avenir de l’humanité.
Nicole Drano-Stamberg (France)
Dieu n’était pas sur le Monte Cassino
Nous étions bien calés dans l’autobus
Mais de chaque côté : Qui continuait de monter
Parmi les ombres ? Soudain j’entendis les mitrailles,
Où étaient oncle Schorch et son mulet ?
Passaient des abbayes, des cimetières avec
Les âmes des Sénégalais, Polonais, Français
Autrichiens, Italiens, Algériens… Et vous, Âmes d’Inconnus !
Ô Dieux ô Allah ô Jehovah où planiez-vous ?
Toi mon âme tordue, sans dieux, fourrée
Dans un autobus grimpant avec le fil de quelques mots
Écrits au crayon, sur l’étroite route tortueuse d’un papier
De nos vies si terrestres.
On se surprend à trembler, à se mordre les lèvres :
« Est-ce ainsi jusqu’au ciel, des hommes
Qui ne se connaissent pas et se massacrent « Où sont les terres
Abandonnées pour recréer avec les abeilles, agneaux et humains ?
Extrémités de la Ciociaria, recueil inédit.
In Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée – Anthologie Sète 2021, © Bruno Doucey, 2021
Internet
Contribution de PPierre Kobel