Du 5 au 18 mars 2012 se déroulera le 14ème Printemps des Poètes qui permettra de mettre la poésie en exergue quand elle est tenue si souvent dans l'ignorance des médias. Le thème de cette année en est Enfances, ce à quoi nous ne pouvons qu'être particulièrement sensibles et qui ramène aux questions quant à la place de la poésie dans notre mémoire et dans l'éducation.
Dans son introduction au Poésie 1 n°28/29 de Janvier Février 1973, L'enfant la poésie, Georges Jean écrivait : « La langue maternelle est pour l'enfant, pour l'adolescent, pour l'homme, le langage premier, l'instrument majeur de communication et d'expression. Avec sa langue maternelle l'être humain peut « tout dire », mais pour « tout dire » il importe de maîtriser et de dépasser les contraintes de toute nature, phonétiques, lexicales, grammaticales, qui constituent cette langue. On ne libère le langage qu'en utilisant les armes qui le portent à son plus haut degré d'incandescence. Or cette fonction, la poésie l'assume pleinement et par elle, en elle, la langue parcourt tout le réel et tout l'imaginaire. Elle devient pour l'enfant et pour l'adolescent une sorte d'image vivante de la langue en travail, de la langue dans tous ses états, production du corps, de la sensualité, de l'intelligence, de l'être à la découverte de ses murmures essentiels.
La poésie introduit au cœur de l'école un ferment qui fera tomber les murs de l'école et devrait contribuer à l'ouvrir au monde. (…) Et il est significatif de constater que les dernières « Instructions officielles pour l'enseignement du français à l'école élémentaire » (Circulaire ministérielle n" 72-474 du 4 décembre 1972 - B.O.E.N., n°46, 7 décembre 1972), dont on peut par ailleurs contester la prudence et les ambiguïtés, consacrent à la poésie le plus long de leurs chapitres, comme si l'irrésistible pouvoir du poème brisait tous les masques. »
Et d'ajouter ultérieurement dans le Poésie 1 n°66/67/68 de Juillet Août 1979, Le petit enfant et la poésie : « (…) il me semble essentiel de dire et de tenter de montrer, même superficiellement, que la poésie concerne les enfant dès leur entrée dans la vie.
Que l'on m'entende bien ! Il ne s'agit pas de prétendre que, dès la naissance, il conviendrait de faire percevoir aux petits d'hommes les grands bercements langagiers du discours poétique ! (…) il faudrait que la mère, le père, l'entourage de l'enfant sachent bien que dès avant la naissance et durant les premiers mois de la vie, le corps du fœtus puis le corps du bébé ne sont pas insensibles (au sens précis et fort de ce terme) aux multiples rythmes qui l'entourent comme aux productions vocales des adultes proches. Et c'est peut-être là que tout se noue, tout ce qui peut, par la suite, distinguer fondamentalement la poésie de la prose comme dirait Monsieur Jourdain. Et c'est pourquoi, cette réflexion sur ce que peuvent être les rapports entre le petit enfant et même le tout petit enfant avec ce que l'on nomme poésie, dépasse dans mon esprit et l'enfant et la pédagogie, et les jeux amusants du langage et du corps, etc., et s'adresse à tous ceux que la poésie intéresse aujourd'hui autrement que comme un genre littéraire parmi d'autres. »
C'est « aussi l'occasion de mettre en lumière cette poésie qui tient l'enfant pour un interlocuteur sinon exclusif, du moins premier, une « poésie pour la jeunesse » qui, fuyant tout didactisme, s'est profondément renouvelée au cours des dernières décennies. » écrit Jean-Pierre Siméon, directeur artistique du Printemps des Poètes.
Durant ces deux semaines, La Pierre et le Sel proposera chaque jour un choix de textes en relation avec l'enfance. D'une part un choix de l'équipe rédactionnelle de textes essentiellement patrimoniaux, d'autre part un choix de poèmes et comptines propices à interpeller directement les enfants. Enfin nous mettrons chaque jour en exergue un texte tiré de l'anthologie Enfances regards de poètes que publient les éditions Bruno Doucey à l'occasion de cette manifestation. Bruno Doucey qui s'exprime ainsi en introduction de l'ouvrage : « L’enfance… Tous les poètes de ce livre y ont eu droit. Certains d’entre eux ont été soulagés d’en sortir ; d’autres en conserveront toujours la nostalgie ; aucun d’eux n’aspire à y retourner. Finalement, que fait l’adulte lorsqu’il évoque l’enfance ? Il se souvient. Autrement dit, il s’absente un instant du présent pour retrouver un passé qui ne passe pas, projette sur un écran imaginaire des images d’autrefois. Dans cette anthologie, 90 poètes contemporains revivent à leur manière le film d’une enfance. Du flash-back, qui permet d’opérer un retour en arrière au contre-champ rendu possible quand un adulte interpelle l’enfance, de cette contre-plongée connotant le désir de grandir au fondu enchaîné par lequel les époques se télescopent, tous les textes de ce livre démontrent que l’écriture garde mémoire du rapport premier, libre et créatif, à la langue. Comme si l’enfance était toujours plus ou moins l’arrière-plan de l’écriture. »
Le 7 mars à 20h30
Soirée de lancement de l'anthologie du Printemps des poètes avec Scène du Balcon
Enfances, regards de poètes en présence de nombreux poètes.
Mairie du 2ème arrondissement
8, rue de la Banque 75002 PARIS (M° Bourse)
Laurence Bouvet
Chanson d'enfance
En route mauvaise troupe !
Ma mère tu disais
Et tes mots n'avaient pour pays
Que l'enfance bouche bée
J'allais
Parmi les expressions magiques
Parmi la troupe des mots
Tes mots
Parmi le troupeau dispersé
Des souvenirs à naître
Ton sourire blond dans mes yeux
Ta main sur la mienne
Les matins d'école
Étaient toujours des matins d'automne
Une cagoule pendue à un portemanteau
Une blouse à carreaux odeur de craie
Odeur de pluie contre mes joues
Perdre ne disait pas son nom
J'allais
Sous le gravier souliers vernis
Gratter la terre des interdits
À cloche-pied la marelle
Pour de vrai jusqu'au ciel
En route mauvaise troupe !
Ma mère tu dirais
Et tes mots sont une ronde à la traîne
Posée sur mes épaules de laine
Je vais
Parmi le silence des cours de récréation
Parmi le silence des préaux trop vastes
Trop hauts
Parmi le troupeau réuni
Des souvenirs épargnés
Morte ma mère
Mes mains ont désormais un visage
Ton visage
Puisque j'écris puisque je dis
Que l'enfance est ce pont suspendu
Au-dessus des tranchées
Les matins d'automne
Sont encore des matins d'école
Je vais
Dans la solitude d'un jeu d'osselets
Posé sur ma langue
Fendre les lois de l'air celles du temps
Saisir l'instant du mot présence
Poème inédit. In Enfances, © Bruno Doucey, 2012, p.80
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Maurice Fombeure
Les Écoliers
Sur la route couleur sable
En capuchon noir et pointu,
Le « moyen », le »bon », le « passable »
Vont, à galoches que veux-tu,
Vers leur école intarissable.
Ils ont dans leur plumier des gommes
Et des hannetons du matin,
Dans leurs poches, du pain, des pommes,
Des billes, ô précieux butin
Gagné sur d'autres petits hommes
Ils ont la ruse et la paresse
–Mais l'innocence et la fraîcheur–
Près d'eux les filles ont des tresses
Et des yeux bleus couleur de fleur
Et de vraies fleurs pour la maîtresse.
Puis les voilà tous à s'asseoir
Dans l'école crépie de lune,
On les enferme jusqu'au soir
Jusqu'à ce qu'il leur pousse plume
Pour s'envoler. Après, bonsoir !
Ça vous fait des gars de charrue
Qui fument, boivent le gros vin,
Puis des ménagères bourrues
Dosant le beurre et le levain.
Billevesées, coquecigrues,
Ils vous auront connues en vain
Dans leurs enfances disparues !
In Pendant que vous dormez... © Gallimard 1953 p.49/50
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Berceuse pygmée
A dindo
Ngonzilé
Dindo a kanga é
Ngonzilé
A dindo
Ngonzilé
Dindo à Mboyo
Dgonzilé
Bébé
Écoute
Bébé chenille
Écoute
Bébé
Écoute
Bébé à Mboyo
Écoute
H.Pepper, in Anthologie de la vie africaine, Disque Ducretet
Internet
Contribution de PPierre Kobel